Le secteur marocain du courtage en assurance est aujourd’hui à un tournant stratégique crucial face à l’implantation croissante des grands courtiers européens en Afrique et au Maroc. Cette dynamique impose aux courtiers locaux de s’associer pour renforcer leur compétitivité et préserver leur place sur un marché en pleine mutation.
Un marché marocain en pleine transformation mais sous pression étrangère
Le Maroc, avec 8,7% des primes d’assurance africaines, représente un poids significatif sur le continent, mais reste encore loin derrière des géants comme l’Afrique du Sud, qui domine avec plus de 68% des parts de marché. Par ailleurs, la pénétration de l’assurance au Maroc, bien que croissante, reste modeste (4,1% à 8-9% selon les calculs incluant les caisses maladie et retraite), ce qui traduit un potentiel de développement important mais aussi une vulnérabilité face aux acteurs internationaux.
Dans ce contexte, des groupes européens majeurs, tels que Marsh ou le Groupe Diot-Siaci, ont déjà pris pied au Maroc via des opérations de croissance externe, rachetant des courtiers locaux et s’implantant durablement. Ces mouvements illustrent la montée en puissance de puissants acteurs internationaux qui bénéficient d’une expertise, d’une capacité financière et d’un réseau étendu, leur permettant de capter une part croissante du marché marocain et africain. Il en est de même pour l’expansion stratégique du courtier panafricain Olea, avec ses ambitions de développement sur l’Afrique et le Maroc.
La nécessité d’une alliance stratégique des courtiers marocains
Face à cette concurrence accrue, la fragmentation des courtiers marocains constitue un frein à leur résistance et à leur développement. La création de réseaux et d’alliances entre courtiers locaux apparaît comme une réponse stratégique incontournable. Des initiatives comme celle du réseau indépendant international BrokersLink, regroupant plusieurs courtiers africains dont le marocain Alpha Assurances, montrent la voie à suivre. Ce réseau vise à offrir une expertise locale renforcée et une meilleure couverture continentale, permettant de rivaliser avec les grands groupes internationaux en proposant des solutions adaptées aux spécificités réglementaires et culturelles des différents pays africains. D’ailleurs, ce dernier vendredi 16 mai, EPEGA et Alpha Assurances ont notifié au Conseil de la concurrence un projet d’alliance stratégique. Conserver une identité 100% marocaine pour les clients marocains est un label de qualité et de sécurité pour bons nombres de clients du Royaume.
De même, des rapprochements entre groupes locaux et internationaux, comme la fusion entre le Holding Chedid Capital et le groupe Ascoma, illustrent la volonté de constituer des leaders régionaux capables de déployer une gamme complète de services d’assurance sur le continent, tout en capitalisant sur le savoir-faire local.
Enjeux réglementaires et défis concurrentiels
Le cadre réglementaire marocain évolue pour accompagner cette transformation, notamment par la modernisation du code des assurances et la facilitation de la création de succursales par les intermédiaires d’assurance, ce qui pourrait favoriser les regroupements et la structuration du secteur. Cependant, des barrières à l’entrée subsistent, telles que les exigences de capital social majoritairement marocain pour les personnes morales, de par l’agrément détenu par une personne de nationalité exclusivement marocaine des intermédiaires, qui peuvent limiter l’investissement étranger tout en complexifiant la structuration locale.
Le Conseil de la concurrence marocain souligne également la nécessité d’accélérer la digitalisation et la modernisation du secteur pour faire face à la concurrence internationale et aux besoins d’innovation, un défi que les courtiers marocains ne peuvent relever efficacement qu’en mutualisant leurs moyens et expertises.
En bref …
L’implantation des grands courtiers européens en Afrique et au Maroc constitue un défi majeur pour les acteurs locaux. Pour préserver leur compétitivité et tirer parti des opportunités offertes par un marché en croissance, les courtiers marocains doivent impérativement s’associer, créer des réseaux solides et renforcer leur expertise collective. Cette alliance stratégique est la clé pour résister à la pression des géants internationaux, s’adapter aux mutations réglementaires et technologiques, et consolider le positionnement du Maroc comme hub régional de l’assurance en Afrique.
212assurances – 19 mai 2025
