Risques géopolitiques: un défi majeur pour le secteur de l’assurance au Maroc et en Afrique

Cette carte met en évidence les zones à haut risque géopolitique, où les conflits, tensions diplomatiques et instabilités politiques peuvent avoir des répercussions importantes sur la sécurité internationale et les marchés économiques.
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Dans un monde où les tensions géopolitiques s’intensifient, le secteur de l’assurance au Maroc et en Afrique se trouve à un carrefour critique. Entre conflits armés, instabilité politique et perturbations économiques, les assureurs doivent repenser leurs stratégies pour protéger leurs clients et garantir leur propre résilience.

Une montée inédite des risques géopolitiques : causes et contexte

L’instabilité géopolitique mondiale a connu une accélération notable depuis 2024. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance préoccupante :

  • Multiplication des conflits et tensions internationales : La guerre en Ukraine, les tensions en Asie, et les conflits internes dans plusieurs pays africains, comme au Sahel, ont contribué à une augmentation des risques politiques. Ces conflits perturbent les chaînes d’approvisionnement mondiales et augmentent les coûts des matières premières, affectant directement les marchés d’assurance.
  • Protectionnisme et guerre commerciale : Le retour des mesures protectionnistes, notamment entre grandes puissances économiques, crée une volatilité accrue sur les marchés financiers et commerciaux. Cette instabilité se traduit par une hausse des coûts et une incertitude renforcée pour les entreprises, qui se répercute sur les primes d’assurance.
  • Instabilité sociale et économique : L’inflation persistante, la montée des mouvements sociaux et la défiance envers les institutions alimentent un climat d’incertitude, y compris dans les pays émergents. Cette situation accroît les risques liés aux grèves, émeutes et autres troubles, qui impactent directement les sinistres assurés.
  • Risques cybernétiques en hausse : L’instabilité géopolitique alimente également la multiplication des cyberattaques, qui représentent désormais un risque majeur pour les assureurs et les entreprises. La demande de couverture cyber augmente, mais reste encore limitée face à l’ampleur des menaces.

Au Maroc et en Afrique, ces facteurs s’ajoutent à des défis structurels : fragilité politique, dépendance aux exportations de matières premières, et accès limité aux marchés financiers internationaux. Cette conjoncture pousse les assureurs à adopter une approche plus prudente et sélective dans la gestion des risques.

Impacts sur l’écosystème de l’assurance et sur les assurés

La montée des risques géopolitiques a des répercussions profondes sur le secteur de l’assurance et sur les assurés.

Pour les assureurs
  • Durcissement des conditions de souscription et hausse des primes : Face à l’accroissement des risques, les compagnies d’assurance augmentent leurs tarifs, en particulier pour les risques liés aux conflits, aux interruptions d’activité ou aux catastrophes naturelles. Cette sélectivité accrue pénalise les acteurs les plus exposés, notamment dans les zones à risque.
  • Réduction des capacités et retrait de certains marchés : Certains assureurs limitent leur exposition géographique ou sectorielle pour maîtriser leur risque global, ce qui peut entraîner un déficit de couverture dans les régions les plus vulnérables, notamment en Afrique subsaharienne.
  • Pression sur la rentabilité et la solvabilité : Malgré une capitalisation solide (230% de SCR médian fin 2024 en Europe), les assureurs restent vulnérables aux chocs liés aux guerres commerciales, aux catastrophes naturelles (13,5 milliards d’euros de sinistres payés en Europe en 2024) et aux cyberattaques.
  • Accélération de la digitalisation et de l’innovation : Pour mieux anticiper et gérer ces risques, le secteur investit dans l’intelligence artificielle et les technologies numériques, notamment au Maroc, en Égypte et au Kenya, où des cadres réglementaires favorisent l’innovation.
Pour les assurés
  • Accès plus difficile à l’assurance : Les PME et les particuliers dans les zones à risques voient leurs primes augmenter ou rencontrent des difficultés à obtenir des couvertures adaptées, ce qui fragilise leur résilience face aux crises.
  • Exposition accrue aux pertes : En l’absence ou en cas de couverture insuffisante, les entreprises et les ménages sont plus vulnérables aux conséquences des conflits, des catastrophes naturelles ou des cyberattaques, avec des impacts économiques et sociaux lourds45.
  • Évolution des besoins et des attentes : La demande pour des produits innovants, comme la micro-assurance, l’assurance paramétrique ou la couverture cyber, se développe rapidement, obligeant les assureurs à diversifier leur offre.
Mesures gouvernementales et stratégies du secteur

Face à ces défis, les gouvernements et les acteurs du secteur déploient plusieurs initiatives pour renforcer la résilience du marché de l’assurance.

Au Maroc
  • Modernisation du cadre réglementaire : La refonte du Livre IV du code des assurances vise à adapter la réglementation aux nouveaux enjeux, notamment en facilitant le développement de la bancassurance et en renforçant la supervision des intermédiaires.
  • Contrôle des concentrations : Les autorités surveillent étroitement les opérations de fusion-acquisition, comme le rapprochement Sanlam-Allianz, pour préserver la concurrence et éviter une trop grande concentration du marché.
  • Soutien à l’innovation : Le gouvernement encourage le développement des insurtechs et des solutions numériques, afin d’améliorer l’accès à l’assurance et la gestion des risques.
À l’échelle africaine
  • Harmonisation régionale : Des efforts sont en cours pour uniformiser les normes d’assurance et renforcer la coopération entre pays, notamment en matière de réassurance et de gestion des risques politiques.
  • Développement de produits adaptés : La micro-assurance et les solutions paramétriques sont encouragées pour couvrir les populations vulnérables et les secteurs exposés, comme l’agriculture.
  • Encadrement des nouvelles technologies : La régulation de l’intelligence artificielle et des cyberrisques devient une priorité pour protéger les assurés et garantir la confiance dans le secteur.

Comme le souligne Driss El Mansouri, expert en gestion des risques et assurance :

« Dans un contexte géopolitique incertain, la capacité des assureurs à anticiper, innover et collaborer avec les pouvoirs publics est la clé pour assurer la stabilité du secteur et la protection des assurés. »

Pour conclure

La montée des risques géopolitiques redéfinit profondément le paysage de l’assurance au Maroc et en Afrique. Si cette situation impose des contraintes fortes, elle ouvre aussi la voie à une transformation nécessaire du secteur, fondée sur l’innovation, la vigilance et la coopération. Les assureurs doivent conjuguer prudence et agilité pour protéger leurs clients et assurer leur propre pérennité dans un monde de plus en plus imprévisible. Les pouvoirs publics, quant à eux, jouent un rôle crucial en adaptant les cadres réglementaires et en soutenant les initiatives qui renforcent la résilience collective. Face à ces défis, le secteur de l’assurance apparaît plus que jamais comme un pilier essentiel de la stabilité économique et sociale.

212assurances – 21 juin 2025

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