La réassurance africaine, moteur de résilience économique et de développement du continent

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Le marché africain de la réassurance, longtemps considéré comme un secteur secondaire, s’impose aujourd’hui comme un pilier fondamental de la résilience économique et financière du continent. Alors que les risques climatiques, sanitaires et économiques se multiplient, la réassurance devient un levier incontournable pour sécuriser les assureurs locaux, protéger les populations et accompagner le développement des infrastructures et des entreprises.

Un secteur en pleine mutation

En Afrique, le taux de pénétration de l’assurance reste faible : 2,4 % pour la branche vie et 1,1 % pour la branche non-vie, selon les données du Sommet annuel AFIS 2025. Cette situation s’explique par le poids du secteur informel, le faible pouvoir d’achat des ménages et des capacités de distribution limitées. Pourtant, le potentiel de croissance est immense, notamment dans les segments de l’assurance agricole et de la micro-assurance, où les besoins sont criants.

Face à ces défis, la réassurance joue un rôle central. Elle permet aux assureurs locaux de mutualiser les risques, d’élargir leur portefeuille et de proposer des produits adaptés aux réalités africaines. En Côte d’Ivoire, par exemple, la digitalisation accélérée du marché et les réformes collaboratives entre assureurs ont permis de créer une chaîne de valeur plus transparente et performante, notamment dans les branches automobile et santé.

La réassurance africaine affiche donc en 2024 une dynamique solide avec une croissance des primes souscrites de 8,8% par rapport à 2023, et un bond de 89% en dix ans, surpassant de 33 points la croissance du marché direct. Avec un total de 6,269 milliards USD, les primes africaines représentent néanmoins seulement 1,6% du marché mondial de la réassurance. La branche non vie domine largement (87,5% des souscriptions).

Les réformes structurelles au cœur de la transformation

Pour que la réassurance africaine prenne toute sa place, des réformes institutionnelles et financières profondes sont nécessaires. Mamadou GK Koné, DG SanlamAllianz Côte D’Ivoire, et Président de l’ASA-CI, qui regroupe les compagnies d’assurance ivoirienne, en tant qu’expert du secteur, souligne l’importance de moderniser le cadre fiscal, réglementaire et institutionnel afin de permettre à l’épargne locale de financer les projets nationaux. « Nos PME ont besoin d’une épargne patiente, capable d’attendre la maturation de leurs projets. La dette, à court terme, n’a pas permis leur épanouissement », explique-t-il.

Ces réformes visent à transformer les compagnies d’assurance en véritables agents de développement. En interconnectant les parties prenantes – garagistes, cliniques, pharmacies –, le marché crée une chaîne de valeur plus transparente et performante. L’intégration économique régionale accélérée et la digitalisation de l’assurance sont également des piliers de cette modernisation.

Les pools régionaux de risques : une réponse collective

Face aux coûts élevés de la réassurance et à l’augmentation du nombre d’inondations et de sécheresses, des pools de risques régionaux plus robustes deviennent indispensables. L’African Risk Capacity de l’Union africaine, l’Africa Nature Risk Pool soutenu par le COMESA, et le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC) du Maroc de 275 millions de dollars visent ainsi à renforcer la résilience du secteur et à étendre la couverture.

Ces initiatives permettent de mutualiser les risques à l’échelle régionale, de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux et de proposer des solutions adaptées aux réalités africaines. Elles sont également un levier pour attirer des investissements étrangers dans des projets d’énergie renouvelable et d’infrastructure.

Les insurtechs et la micro-assurance : de nouveaux relais de croissance

Les insurtechs s’engouffrent dans la brèche laissée par les assureurs traditionnels. Ces jeunes pousses très agiles se démènent pour combler le déficit de couverture contre les différents risques en lançant des offres de micro-assurance axées sur une approche « mobile first », avec une distribution intégrée, une adhésion instantanée et des primes dérisoires et payables à l’utilisation.

Ces innovations permettent de toucher des populations auparavant inaccessibles, notamment dans les zones rurales et les secteurs informels. Elles sont également un levier pour renforcer la confiance et l’ancrage local, deux éléments clés pour intégrer les structures informelles dans les systèmes formels.

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Les perspectives pour l’avenir

Alors que l’aide internationale diminue et que l’accès aux financements concessionnels se resserre, les marchés de la monnaie locale, les fonds de pension et les caisses d’assurance deviennent des moteurs cruciaux de résilience. Le défi consiste désormais à transformer ces actifs en véhicules d’investissement à long terme qui servent les priorités africaines, et non les cycles externes.

En 2025, le marché africain de la réassurance affiche une croissance soutenue, portée par des réformes structurelles, la digitalisation et l’émergence de pools régionaux de risques. Les perspectives sont prometteuses, à condition de poursuivre les efforts de modernisation et d’inclusion. L’Afrique a les moyens de son développement, il faut simplement y croire, réformer et agir.

En somme, la réassurance africaine n’est plus seulement un outil de gestion des risques, mais un levier de développement économique et social. Elle s’impose comme un pilier fondamental de la résilience du continent face aux défis du XXIe siècle.

D’autant que le secteur africain de la réassurance affiche une rentabilité attractive, avec un retour sur fonds propres (ROE) moyen de 12,9% en 2024, témoignant de la solidité financière et de la résilience du marché face aux risques. Cette progression conforte le rôle stratégique de la réassurance dans le développement et la sécurisation des marchés d’assurance africains.

Attention ….

Mais attention, un bémol est là. Aux dires d’un expert de la réassurance en Afrique, « le marché reste limité face à un nombre important de réassureurs sur le continent. Il n’y a pas assez de parts de gateaux pour tous. » Effectivement, les chiffres parlent: une cinquantaine de réassureurs en Afrique, alors que le taux de pénétration de l’assurance est l’un des plus bas, comme déjà vu, un peu au dessus des 1% pour la non-Vie. La réassurance se porte bien pour les 1ers de liste, comme Africa Ré, Munich Ré Africa ou Atlantic Re (ex SCR) … Les 5 premiers réassureurs en Afrique, sur les 48 actuels, représentent 51% des primes encaissées … A méditer

212assurances – Le site d’information N°1 de l’Assurance au Maroc et en Afrique 17 novembre 2025

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