Assurances: les compagnies Takaful face au défi de la rentabilité

Le dispositif réglementaire complet.

Démarrage effectif de l’activité au printemps.

Un ticket d’entrée à 50 MDH difficile à rentabiliser les premières années.

Coup d’accélérateur pour les compagnies Takaful. Après la publication de l’arrêté ministériel fixant les modalités de l’activité, l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) s’est empressée de publier fin octobre sa circulaire la régissant. Un texte complet qui permettra d’accompagner le développement du secteur. L’ACAPS en a profité pour révéler qu’elle planche désormais sur les agréments des futures compagnies.

Un processus que le régulateur veut mener activement, selon Issam Achiki, chef de service Veille et Normalisation au sein de l’ACAPS. Selon le responsable, si les dossiers des futures compagnies sont complets, le démarrage effectif de l’activité début 2022 serait «un délai raisonnable».

Les chantiers urgents

Pour les opérateurs, l’attente a trop duré. Surtout pour les banques participatives, dont les montants des financements Mourabaha immobilière atteignent les 16 Mds de dirhams, sans aucune couverture contre le décès des emprunteurs. D’ailleurs, les premiers produits de cette nouvelle industrie seront en lien direct avec les financements immobiliers. Il s’agit des contrats décès emprunteurs et la multirisque habitation. Mohamed Nadi, directeur Takaful Axa, qui témoignait lors d’une rencontre de l’Académie de la finance participative (APAF) organisée cette semaine, ajoute à cette liste les produits d’épargne qui disposeront des mêmes avantages fiscaux que l’épargne conventionnelle.

Ces 3 produits devront servir de test grandeur nature des échanges et de la coopération entre les futures compagnies et les régulateurs : ACAPS et Conseil supérieur des oulémas (CSO). Viendront ensuite d’autres produits comme l’accident de travail, les décès groupes, la maladie, etc… Il s’agit de plusieurs risques qui pourront être couverts pour les entreprises qui souhaitent voir leurs finances rester dans un écosystème participatif. Mohamed Nadi insiste également sur le caractère inclusif du Takaful, qui devrait amener une tranche de la population à découvrir l’assurance à travers ces produits en ciblant, entre autres, la microfinance.

Le défi de la rentabilité

Si la feuille de route est toute tracée pour les premières années d’activité, le chemin ne sera pas de tout repos et les actionnaires ne manqueront pas de faire pression. Ces derniers ont mis des minimums de 50 MDH en fonds propres pour pouvoir prétendre à un agrément. Mais face à une liste restreinte de produits et à un univers de placement étroit (voir encadré), il sera difficile d’atteindre le seuil de rentabilité. Un constat confirmé par Khalid Boussaid, directeur Takaful MAMDA-MCMA, qui a avoué durant cette rencontre que «beaucoup d’assureurs ne seraient pas partis dans le Takaful si leur objectif était simplement de rentabiliser immédiatement leur investissement». Mais cela n’est pas une raison pour laisser à l’industrie le temps

de s’installer doucement. Il faudra gagner du temps et les pistes sont nombreuses. La première, selon Mohamed Nadi, est de capitaliser sur la mutualisation des ressources avec les maisons-mères conventionnelles. Cela réduira les coûts de structure (ressources humaines, locaux, etc…). L’autre défi est le lancement de l’indice boursier Charia Compliant pour rapidement élargir le champ du possible en matière d’investissement et offrir de meilleurs rendements aux compagnies.

Enfin, il s’agit d’intensifier la vulgarisation et la formation pour rendre ces produits plus accessibles. En matière de distribution, les compagnies Takaful pourront compter sur le réseau classique des agents et courtiers, à condition que ces derniers valident des formations exigées par le régulateur pour pouvoir distribuer le Takaful. Bonne nouvelle pour le secteur qui pourra compter sur un réseau de distribution éprouvé. Chose qui bloque considérablement le développement des banques participatives.

La circulaire de l’ACAPS prévoit également que toutes les branches de l’assurance conventionnelle se retrouvent dans le Takaful, a confirmé Issam Achiki, qui exclut un ou deux produits seulement. Libre ensuite aux compagnies de développer ces produits et de les commercialiser, après avis du régulateur et du Conseil supérieur des Oulémas. C’est d’ailleurs ainsi que des contrats-types de place pour les 3 produits de lancement ont été développés et validés. Les assureurs travaillent uniquement sur les clauses spécifiques à chaque compagnie. Un dispositif qui ressemble à celui mis en place pour les produits des banques participatives.

Une faible mutualisation des risques au démarrage

A la différence de l’assurance conventionnelle, le Takaful disposera d’une faible profondeur au démarrage. Ainsi, pour garantir la viabilité du modèle, il faudra s’attendre à des primes plus élevées que dans le conventionnel. Mais la tarification ne doit pas être un frein, comme l’ont souligné les deux experts. Car les excédents techniques et financiers du fonds Takaful reviennent aux participants (assurés). Ce qui en fait d’ailleurs un argumentaire commercial de taille pour le Takaful. La compagnie ne se rémunère que sur les frais de gestion du fonds.

L’univers de placement des compagnies Takaful

Tout d’abord, il faut rappeler que l’assurance Takaful est organisée à l’image du secteur de la gestion d’actifs. Ainsi, de la même manière que dans un OPCVM, on distingue un fonds et la société de gestion qui le gère. Dans le Takaful, il y a une distinction entre les fonds Takaful et la compagnie Takaful. La circulaire de l’ACAPS montre que l’univers de placement des fonds Takaful est plutôt restreint, ce qui est moins le cas pour les réserves techniques des compagnies. 

Placements des fonds Takaful

Le fonds Takaful, dont les excédents reviennent aux participants aux fonds, c’est-à-dire aux assurés, peut détenir plusieurs classes d’actifs, selon cette circulaire de l’ACAPS. Citons en premier les biens immobiliers bâtis dans les périmètres urbains ou tout autre bien immobilier dans ces zones. Chacun de ces types de placement ne doit pas dépasser 10% des placements du fonds.  Le fonds peut également détenir des certificats de Sukuks, des actions cotées en Bourse après avis du Conseil supérieur des oulémas, des certificats d’investissements auprès de banques participatives et les placements monétaires auprès de ces banques. Ces différents placements peuvent atteindre 12,5% du fonds pour chaque ligne quand l’émetteur est une banque participative, une assurance Takaful ou lorsqu’il fait appel public à l’épargne (APE). Autrement, l’exposition ne doit pas dépasser 7,5% du fonds. D’autres placements peuvent être effectués après accord de l’ACAPS, qui les étudiera au cas par cas. 

Placements des compagnies Takaful

Quant aux réserves techniques des compagnies, les actifs acceptés sont plus nombreux. Il s’agit tout d’abord des Sukuks souverains, des avances sur les contrats de la branche vie et autres participations au Fonds de solidarité des assurances. Ces actifs représentent au minimum 30% des réserves techniques, qui permettent aux compagnies de faire face à leurs engagements.  D’autres actifs comme les OPCI, les placements étrangers, les biens immobiliers, les parts et actions dans des entreprises immobilières – y compris les avances en compte courant associé -, les sukuks autres que ceux assortis du risque souverain, les actions cotées et parts d’OPCVM autorisées par avis du Conseil supérieur des oulémas etc., doivent représenter au maximum 70% des réserves techniques des compagnies Takaful.  Les opérateurs attendent désormais la validation par le CSO d’un indice boursier Charia Compliant permettant à ces nouveaux gestionnaires d’actifs d’avoir un référentiel sur le plan boursier. 

A. Hlimi – 11 Novembre 2021 – Finances News Hebdo

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