En marge de la 9ᵉ édition de la Rencontre des Agents et Courtiers d’Assurance du Maroc, organisée par la FNACAM le 9 octobre à Casablanca, un sondage en direct a été lancé sur la question :
« Selon vous, l’IA est-elle une opportunité ou une menace pour l’intermédiaire d’assurance ? »
Les résultats sont révélateurs : 87 % des participants considèrent l’IA comme une opportunité, contre 13 % qui la perçoivent comme une menace.
Mais comment expliquer ce choix ? Quelles sont les dimensions réelles de cette dualité ?
I. Les menaces liées à un usage non maîtrisé de l’IA
1. Sécurité des données
Les outils d’IA collectent, traitent et analysent un volume important de données clients (coordonnées, contrats, sinistres, dossiers médicaux…).
Une mauvaise utilisation ou un hébergement sur des plateformes non conformes aux normes marocaines peut entraîner des fuites ou détournements d’informations, compromettant la confidentialité et la confiance du client.
Il est donc recommandé d’utiliser des outils hébergés localement ou fournis par des prestataires respectant la législation marocaine sur la protection des données, et de former les utilisateurs à la confidentialité numérique et à la gestion des accès.
2. Fraude interne et externe
L’IA générative peut faciliter la création de faux documents (attestations, signatures, factures) et être détournée à des fins frauduleuses, internes ou externes.
Les conséquences sont importantes : dommages financiers, perte de crédibilité et litiges potentiels.
L’intermédiaire doit alors se poser une question cruciale : son assurance responsabilité civile couvre-t-elle les risques liés à la cybersécurité ?
Il est recommandé d’instaurer des processus de validation humaine avant toute décision automatisée et d’assurer la traçabilité des actions réalisées via l’IA (audit et journaux).
La vigilance est essentielle face à l’usage de faux documents, de fichiers PDF manipulés ou de faux QR codes facilitant les fraudes.
3. Enjeux éthiques et concurrence déloyale
L’utilisation non encadrée de l’IA dans la prospection ou la communication peut entraîner des pratiques trompeuses ou contraires à la déontologie professionnelle.
Cela génère un risque de concurrence déloyale entre intermédiaires : certains, maîtrisant les outils numériques mais sans expertise assurantielle solide, peuvent déséquilibrer le marché face à ceux dont la force réside dans la compétence technique et la proximité client mais qui restent peu visibles en ligne.
Il devient alors indispensable de se doter d’une charte éthique et déontologique encadrant l’usage du numérique et de l’IA dans le secteur.
4. Communication automatisée et risque réputationnel
Les publications automatisées et non contrôlées peuvent engendrer une surcharge d’informations, de la désinformation ou des réactions négatives des clients.
Cela porte atteinte à l’image de marque du secteur et au lien de confiance avec les assurés.
Les campagnes de communication automatisée doivent donc être encadrées, contextualisées à la culture locale et contrôlées par un humain avant diffusion.
II. Les opportunités offertes par l’IA au service de l’intermédiaire
1. Une justice numérique rétablie
L’IA remet les compteurs à zéro : elle offre à chaque cabinet la possibilité de se moderniser sans dépendre d’investissements technologiques lourds.
La différenciation se déplace désormais vers la qualité d’usage des outils et leur intégration intelligente dans l’organisation.
Sans compétence de programmation, il devient aujourd’hui possible de générer des API sur mesure permettant de piloter des tâches multiples du cabinet : prospection, fidélisation, contrôle financier, recouvrement, etc.
2. Gestion des connaissances et de l’information
Le métier d’intermédiaire repose sur une combinaison de connaissances juridiques, commerciales et financières. L’IA simplifie leur acquisition, exploitation et transmission, en interagissant directement avec les bases de données, les documents contractuels ou le CRM.
Elle permet, par exemple, d’analyser en quelques secondes un CPS de plusieurs pages pour générer une fiche synthétique, de produire des rapports à partir d’e-mails, de générer automatiquement des factures ou de répondre instantanément aux questions sur un contrat.
Elle contribue à réduire l’asymétrie de l’information et à mieux anticiper les risques financiers (détournements, BFR, trop-perçus…).
3. Optimisation du rôle de l’intermédiaire
Aujourd’hui, près de 80 % du temps de l’intermédiaire est consacré à des tâches opérationnelles. Grâce à l’IA, le métier peut évoluer vers un modèle équilibré « 10/40-40/10 » :
- 10 % en management stratégique
- 40 % en tâches exécutées par les collaborateurs (production, gestion client, bases de données)
- 40 % automatisées via des workflows programmés par des assistants IA
- 10 % consacrés au contrôle, à l’analyse des KPI et au développement commercial
Ce modèle renforce le statut d’entrepreneur de l’intermédiaire tout en libérant du temps pour un meilleur équilibre professionnel et personnel.
4. Création de valeur et relation client renforcée
L’IA est un levier de croissance et de fidélisation. Grâce à la mobilité et aux outils connectés, l’intermédiaire reste en lien permanent avec sa base clients, capable de répondre instantanément à toute sollicitation.
La relation devient plus fluide, plus personnalisée et plus réactive, renforçant la confiance mutuelle.
Conclusion
L’intelligence artificielle doit être perçue avant tout comme une opportunité.
Les risques existent, certes, mais ils peuvent être maîtrisés grâce à un cadre éthique clair, une vigilance accrue sur la sécurité et une gouvernance responsable.
L’intermédiaire d’assurance marocain a tout à gagner en intégrant l’IA dans sa pratique quotidienne : non pas comme une menace, mais comme un partenaire stratégique de sa transformation.
