Holmarcom et BMCI: un rapprochement qui pourrait redessiner le paysage bancaire marocain. Des discussions qui font bouger les lignes. Le secteur bancaire marocain est en pleine effervescence.
Holmarcom Finance Company, piloté par la famille Bensalah, a officiellement annoncé être entré en discussions exclusives avec BNP Paribas pour l’acquisition potentielle de sa participation majoritaire de 67 % dans la **BMCI** (Banque Marocaine pour le Commerce et l’Industrie). Ces négociations, bien que préliminaires, ouvrent la porte à un scénario de consolidation majeur: un possible rapprochement, voire une fusion, entre la BMCI et le Crédit du Maroc (CDM), dont Holmarcom détient déjà plus de 65 % du capital. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large de retrait progressif des groupes étrangers au profit d’acteurs nationaux, comme l’avait illustré le rachat de Société Générale Maroc par le groupe Saham.
Pour le public général, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Une recomposition du secteur qui pourrait renforcer la taille critique des banques marocaines, améliorer leur compétitivité et offrir de nouveaux services aux clients, tout en posant des questions sur la concurrence et la régulation. Décryptons ce dossier étape par étape.
Le contexte : Holmarcom, un géant diversifié en quête de leadership bancaire
Fondé et dirigé par Mohamed Hassan Bensalah, Holmarcom est un conglomérat aux ambitions affirmées. Implanté dans la finance, l’assurance (via AtlantaSanad), l’agro-industrie, la logistique et l’immobilier, le groupe est déjà actionnaire minoritaire de la BMCI depuis trois décennies, à hauteur de 8 % via sa compagnie d’assurance. Avec le CDM sous son giron, Holmarcom dispose d’un pôle bancaire solide, mais encore perfectible en termes de taille et de synergies.
BNP Paribas, de son côté, semble prêt à se désengager de sa filiale marocaine, suivant une logique de recentrage sur ses marchés prioritaires. Si l’opération aboutit, Holmarcom porterait sa participation dans la BMCI à environ 75 %, doublant de fait la taille de son bras bancaire actuel. Ce deal n’est pas isolé : il fait écho à d’autres mouvements, comme la dynamique entre Saham Bank et CFG Bank, ou les interrogations sur l’avenir de Bank of Africa, bastion d’Othman Benjelloun.
Les enjeux d’une fusion BMCI-CDM: complémentarité et création de valeur
L’hypothèse d’une fusion entre BMCI et CDM est évoquée par tous les observateurs comme le scénario le plus probable et le plus logique. Pourquoi ? Les deux banques présentent des profils complémentaires.
– BMCI: Filiale historique de BNP Paribas, elle excelle en banque privée et activités de marché (notamment le change). Cependant, son coefficient d’exploitation est élevé à 58 %, pénalisant sa rentabilité. Une fusion pourrait le normaliser vers 50 %, libérant des bénéfices significatifs.
– CDM: Plus dynamique financièrement, avec des charges mieux maîtrisées, il apporte une trajectoire de croissance solide. Il bénéficierait des expertises de la BMCI en segments haut de gamme.
Résultat escompté: un nouvel ensemble de premier plan, classé quatrième acteur en produit net bancaire avec environ 7,1 milliards de dirhams, devant Saham Bank. En volume, il gérerait plus de 100 milliards de dirhams en dépôts et crédits, avec près de 5 000 collaborateurs et un réseau de plus de 550 agences. Les synergies toucheraient la mutualisation des plateformes IT, l’optimisation de l’offre commerciale, une meilleure couverture client et une optimisation des fonds propres.
Pour les clients, cela se traduirait par une offre élargie: plus de choix en banque privée, change et niches à haute valeur ajoutée, avec potentiellement des coûts réduits grâce aux économies d’échelle. Pour les actionnaires, une création de valeur mécanique via des coûts moindres et une rentabilité boostée.
Impacts sur le secteur bancaire : vers une consolidation inévitable ?
Le Maroc compte aujourd’hui une vingtaine de banques, mais les experts convergent : le secteur doit se consolider autour de quatre à cinq grands groupes pour affronter la concurrence internationale et financer l’économie nationale. Les petites banques se spécialiseront dans des niches, tandis que les universelles gagneront en taille critique.
Ce rapprochement Holmarcom-BMCI s’inscrirait dans cette logique, renforcée par l’encouragement de Bank Al-Maghrib (BAM) à consolider le secteur depuis plusieurs années. Le régulateur ne plafonne pas a priori les participations (comme pour Société Générale Maroc), préférant évaluer la solidité financière, la gouvernance et le respect des normes prudentielles.
Cependant, des défis émergent:
– Risque de concentration: Le futur ensemble resterait derrière les leaders en dépôts, mais gagnerait en présence sur des segments qualitatifs.
– Gouvernance et intégration: Fusionner implique de harmoniser systèmes d’information, RH, positionnement commercial et image de marque.
– Autres dynamiques: Que deviendra Bank of Africa ? Restera-t-elle en observatrice, ou des recompositions plus larges sont-elles à l’horizon ?
Le cadre réglementaire: un feu vert conditionnel
Aucune opération ne se fera sans validations. Le Conseil de la Concurrence devra examiner les effets sur la concurrence; à ce stade, rien n’a été notifié. BAM analysera la solvabilité de l’acquéreur. Holmarcom, avec son implantation solide, semble bien positionné, mais le processus sera scruté de près.
Les discussions restent non engageantes, à un stade préliminaire. Tout dépendra des négociations avec BNP Paribas et des approbations.
Enjeux pour l’assurance et l’économie réelle
En tant que site d’information spécialisé en assurance, notons l’impact indirect sur ce secteur. Holmarcom, via AtlantaSanad (actionnaire de BMCI), verrait son influence bancaire renforcée, facilitant les bancassurances – ces partenariats banque-assurance qui dominent au Maroc. Un pôle bancaire plus grand pourrait booster les ventes d’assurances via un réseau étendu, tout en mutualisant les risques.
Pour l’économie, c’est positif: des banques plus solides financent mieux les PME, l’habitat et les infrastructures. Dans un contexte de croissance modérée (autour de 3 % en 2025), cette consolidation dope la capacité de financement.
Perspectives : un nouveau champion national ?
Si le deal se concrétise, Holmarcom pourrait créer un quatrième pilier bancaire, aux côtés d’Attijariwafa Bank, Banque Populaire et Bank of Africa. Cela accélérerait la marocanisation du secteur, entamée avec le départ de Crédit Agricole et Société Générale.
Les clients particuliers y verront des services innovants (digital, personnalisation), les entreprises un financement accru. Mais vigilance sur les prix et l’accès pour tous.
Ainsi, ce dossier illustre la vitalité du secteur financier marocain. Holmarcom, BNP Paribas et les régulateurs tiendront le pays en haleine. Affaire à suivre de près.
212assurances – Le site d’information N°1 de l’Assurance au Maroc et en Afrique – 18 décembre 2025




