Indemnités perte d’emploi: les recommandations du CESE

Dans un récent avis, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a rendu ses conclusions sur le dispositif d’indemnité pour perte d’emploi (IPE). Ce dernier est limité dans sa portée à cause de trois facteurs: des conditions d’éligibilité restrictives, et des niveaux de prestations et de financement insuffisants. 

Dans son avis récemment publié sur leur site internet, intitulé « Indemnité pour perte d’emploi: quelles alternatives à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale? », le CESE n interpelle sur l’urgence d’une réorganisation de l’indemnité de perte d’emploi, qui fait partie des quatre axes visés par la réforme prévue par la loi-cadre sur la protection sociale.

Le CESE préconise, à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale, une réforme systémique progressive et recommande la mise à l’étude urgente d’un système d’indemnisation chômage, comprenant un régime assurantiel et un régime d’assistance, arrimé à un dispositif actif d’aide au retour à l’emploi.

Il conseille dans un premier temps la mise en place d’un régime d’assurance chômage pour les travailleurs salariés, qui permettrait de dépasser les limites actuelles de l’IPE à travers notamment la réduction du nombre minimum de jours de cotisation requis, l’augmentation du plafond de l’indemnité en le portant à un multiple du SMIG (4 à 5 fois le SMIG), ou encore l’extension de la durée des prestations de manière proportionnelle à la durée cotisée.

Dans un second temps, il préconise un régime d’assurance chômage pour les travailleurs non-salariés.
Il est aussi recommandé d’associer à ce régime assurantiel deux mesures importantes d’accompagnement, à savoir :

– Un régime assistanciel qui couvrirait les travailleurs ayant perdu leur emploi et ne remplissant pas les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage ou les personnes en fin de droit;

– Un dispositif actif d’aide au retour à l’emploi qui, en impliquant l’intervention obligatoire et formalisée de l’ANAPEC et de l’OFPPT, doit fait partie intégrante de ce nouveau système de manière à favoriser une réinsertion rapide au marché du travail.

Pour comprendre et évaluer l’apport de l’indemnité pour perte d’emploi telle qu’elle est actuellement déployée dans le cadre du régime de sécurité sociale géré par la CNSS, il convient d’en rappeler la vision et les finalités initiales. Il s’agissait, dans un contexte marqué à la fois par l’absence de toute protection du revenu des salariés du secteur privé ayant perdu leur emploi, la fragilité des entreprises soumises aux aléas des marchés et souvent dans l’incapacité de garder durablement l’intégralité de leurs effectifs, d’apporter un filet de sécurité aux salariés et d’initier la construction d’un dispositif national d’assurance-chômage, lit-on dans ce rapport.

La mise en place de l’IPE était intervenue dans un contexte de forte turbulence sur le marché du travail, apparu au milieu des années 90 et aggravé dans la décennie suivante, avec un flux croissant de salariés sortants, sans couverture sociale, du marché de l’emploi formel et du régime de la CNSS. Ce phénomène a alerté sur la nécessité de mettre en place un dispositif assurantiel pour prévenir et protéger les salariés contre la perte d’emploi en tant que risque social important.

Dans un marché de travail marqué par la sous-déclaration et la faible continuité de l’activité salariée formelle, ce dispositif n’a pu atteindre l’objectif initialement ciblé de 30.000 personnes par an. Ainsi, sur les 32.633 salariés qui ont déposé une demande de l’IPE en 2019, seuls 15.036 salariés ont pu bénéficier de cette prestation. A cela, s’ajoute le fait que le marché de l’emploi au Maroc est caractérisé par un faible taux d’activité, qui s’était établi à 45.8% en 2019. Parmi ces actifs, 9.2% étaient au chômage.

Cette situation s’est exacerbée avec la pandémie de la Covid-19. En effet, selon les données publiées par le HCP, le Maroc enregistre une perte de 432.000 postes d’emploi en 2020. Le taux de chômage a enregistré une hausse de 2,7 points, entre 2019 et 2020, passant de 9,2% à 11,9%10. Cette hausse du taux de chômage a particulièrement été importante auprès des personnes ayant déjà travaillé dont le nombre est passé, au niveau national, entre 2019 et 2020 de 473.000 à 804.000 personnes.

Il s’avère finalement que l’IPE s’apparente à une prestation limitée et peu appropriée à la couverture du risque de perte d’emploi au Maroc, poursuit l’avis.

Le montant moyen mensuel de l’IPE, de l’ordre de 2.485 DH en 2019, est loin de permettre à l’assuré de sauvegarder un niveau de vie suffisant. Ce montant reste très faible, voire dérisoire pour les personnes ayant un salaire supérieur à 6.000 DH qui se retrouveraient du jour au lendemain avec un revenu inférieur au SMIG.

Cette faiblesse du revenu assuré semble ne pas inciter les cadres moyens et supérieurs à solliciter cette indemnité, ce qui pourrait partiellement expliquer le faible pourcentage du nombre de bénéficiaires au niveau des tranches salariales entre 6.000 et 10.000 dirhams qui ne dépassent pas 10% et au-dessus de 10.000 dirhams qui se situe à 8%.

Cette étude, par son périmètre, ne traite qu’un aspect de la problématique, sachant qu’une réflexion doit également être engagée pour apporter des réponses aux primo-demandeurs d’emploi, aux personnes travaillant dans des activités dites «informelles» qui ne sont pas inscrites à la CNSS et qui constituent 40% de la population active, mais également aux personnes en âge de travailler qui ne cherchent plus d’emploi, représentant plus de 52% de la population active, et pour lesquelles des mécanismes d’incitation au retour à l’activité doivent être développés.

3 janvier, 2022 19:00 H24info

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Previous Article

COOPÉRATION STRATÉGIQUE ALLIANZ-SANLAM : LES NÉGOCIATIONS TOUJOURS EN COURS

Next Article

AMO : La CNSS met en place des bureaux agréés pour le dépôt des dossiers de remboursement

Related Posts