Faut-il verser les capitaux décès aux enfants ou à l’épouse divorcée ?

Un assuré a souscrit un contrat d’assurance vie en 2002. Veuf, il désigne ses enfants en tant que bénéficiaires. Puis il modifie la clause bénéficiaire en 2004 en faveur de sa nouvelle épouse. L’assureur commet cependant une erreur matérielle de gestion (qu’il admet auprès de la Médiation). L’avenant modificatif, correctement signé par les deux parties, n’est pas enregistré dans son système informatique.

Malgré cela, la modification est valable : elle résulte de la volonté certaine et non équivoque du père.

Mais la vie commune ne dure que 3 mois…Le divorce est prononcé en 2008. Le père décède en 2019.

Le contrat d’assurance sur la vie est une stipulation pour autrui conclue entre 2 parties. Le souscripteur-assuré, ici le père ; et l’assureur. Il relève de l’article 265-1 du Code Civil, qui dispose que « le divorce est sans incidence sur les droits que l’un ou l’autre des époux tient de la loi ou des conventions passées avec des tiers ».

Ainsi le divorce est sans incidence directe sur la désignation du bénéficiaire. Sauf à ce que la clause ne le désigne par sa qualité de conjoint. Laquelle est de facto perdue par le prononcé du divorce.

Les enfants saisissent LMA (Médiation de l’assurance en France) en reprochant à l’assureur d’avoir manqué à son obligation d’information concernant « la situation des bénéficiaires », en omettant d’enregistrer la modification demandée en 2004.

L’absence d’enregistrement, notamment sur le site internet où le père avait la possibilité de consulter la situation de son contrat, a pu en effet l’empêcher de procéder à la substitution de la bénéficiaire désignée.
Par ailleurs son conseiller n’aurait pu lui suggérer d’effectuer une modification de la clause bénéficiaire, dans la mesure où comme l’a confirmé l’assureur à LMA, ce conseiller « n’aurait pu consulter cette erreur et l’anticiper ».

Ainsi, l’assureur a manqué à son obligation d’information.

La réparation du défaut d’information dû par l’entreprise d’assurance s’effectue sous la forme d’une perte de chance.
La Cour de cassation estime que cette réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Il ne peut être accordé, au titre de la perte de chance, le versement des capitaux décès, lesquels doivent revenir au bénéficiaire désigné selon la dernière clause valable.

Néanmoins, compte-tenu de la brièveté de l’union maritale, il est probable que le père aurait procédé à compter du prononcé de son divorce à une modification de la clause bénéficiaire en faveur des enfants. C’est ce qu’il avait fait lors du décès de sa première épouse.

Dans ces conditions, j’ai invité l’assureur non seulement à honorer le contrat (au bénéfice de l’épouse divorcée) mais à verser en outre à la succession du père décédé une somme forfaitaire correspondant à 50 % des capitaux décès dus au titre du contrat litigieux.

Cet article est d’Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l’assurance chez Médiation de l’assurance en France. Son post est sur linkedin.

212assurances – 14 août 2022

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