Ghyzlane Mikou, Directrice générale adjointe de Marsh Morocco : « L’assurance est un métier sur lequel on devrait beaucoup marketer, car c’est un beau métier »

Ghyzlane Mikou, Directrice générale adjointe de Marsh Morocco se livre dans cette interview exclusive accordée à 212assurances. Perspectives du secteur, concurrence, transformation digitale et philosophie de l’OVNI Marsh Morocco. Tout y passe. 

212assurances : Tout d’abord, un mot sur Marsh Morocco. Comment en êtes-vous arrivés là aussi rapidement ? 

Ghyzlane Mikou : Quand monsieur Mehdi Tazi m’avait embauché, il m’avait promis de grandes choses, comme un avenir magnifique pour le cabinet, et d’années en années, je me rends compte que tout se passe comme il l’avait dit … c’est exactement ce qui s’est passé. On a commencé d’un petit cabinet de 25 personnes qui avait une très bonne renommée sur le marché à une multinationale de plus de 90 personnes, avec un volume de primes émises qui va atteindre le milliard en fin 2022, pour un CA de 70 Millions de Dirhams.

212assurances : Et que reste-il de Beassur, ce premier cabinet que Mehdi Tazi a racheté ?

Ghyzlane Mikou : Il reste « Nous », les équipes qui faisons partie intégrante de cette magnifique aventure qui ne fait que grandir, et faire grandir les personnes qui ont gagné en maturité et en technicité.

Nous veillons à offrir à nos équipes la possibilité de prétendre à des postes de responsabilité au fur à mesure de leur développement dans l’entreprise.

Les formations aident aussi à grandir, faire partie du monde. Marsh donne aussi à nos équipes la possibilité d’évoluer dans un univers où l’accès à l’information et à la formation est faisable en un clic. Nous sommes partie intégrante d’une multinationale qui est numéro 1 du courtage dans le monde et où nos équipes en bénéficient pleinement.

Ghyzlane Mikou, Directrice Générale Adjointe de Marsh Morocco en entretien avec 212assurances
212assurances : Cette Success Story de Marsh Morocco s’est quand même faite rapidement

Ghyzlane Mikou : On a commencé en 2017, cela fait moins de 5 ans effectivement. 

212assurances : Beaucoup de distributeurs se plaignent de la saturation du marché, et disent avoir du mal à faire des affaires, et là, il y a un cabinet qui arrive, Marsh Morocco, qui grossit. Comment expliquez-vous ça, est-ce que pour vous le marché est si difficile que ça ?

Ghyzlane Mikou : Le courtage en lui-même est un marché très difficile. Maintenant, indépendamment de la stratégie qu’adopte le cabinet, indépendamment des ressources du cabinet, car c’est aussi très important, une structure est faite d’hommes et de femmes qui portent des couleurs, qui portent une image de marque, mais aussi un service. Il faut savoir se vendre. Et nos équipes savent se vendre et vendre un service qui est différencié. On a un cabinet qui a été digitalisé très très tôt. Une des premières actions de Monsieur Tazi a été de changer le système d’information du cabinet pour permettre d’offrir à nos clients une gestion digitalisée, avoir accès à un certain nombre de données et de reporting. Ce qui fait que nos services sont différenciés. 
Un courtier doit protéger son client, et sa Data. Auparavant, il était de mise de laisser le client aveugle sur ses données, en pensant pouvoir le garder dans son portefeuille. Marsh Morocco, à contrario, montre au client où il est, où il arrive, et quelle sera la projection dans les années futures en termes de sinistralité et de primes. Ce qui fait que nous sommes dans une relation très ouverte avec le client, qui est une relation de proximité. C’est ce qui fait aussi notre force. Nous sommes très présents avec nos clients, on les accompagne, il y a du conseil, et aussi une revue continue des conditions de couverture, une revue aussi de la sinistralité avec des « warnings » dans le cas où cette dernière serait élevée. C’est cet accompagnement qui nous différencie du reste du marché.

212assurances : Vous venez de parler de digitalisation dans la gestion et l’accompagnement, mais qu’en est-il pour la commercialisation comme le préconise l’ACAPS ? Pensez-vous que ce soit réellement un grand marché ?

Ghyzlane Mikou : On va y arriver, on a fait une petite expérience, à travers un petit site de vente en ligne d’automobile et d’assistance. Déjà pour que ça marche, il faut y croire à 100% et mettre les bonnes personnes en face, avec une bonne stratégie commerciale et accompagner l’effort commercial. Je pense que les nouvelles générations vont s’y intéresser. Si on regarde en France, il n’y a plus personne qui va chez son courtier.

212assurances : Justement, Direct Assurance en France n’a pas une part de marché importante. La digitalisation commerciale est de l’ordre de 5%. Et puis,  certains courtiers, toujours en France, disent qu’ils ne pourront jamais se séparer du contact physique avec leur client pour la partie conseil.

Ghyzlane Mikou : Je suis tout à fait d’accord, mais cela se fait sur une partie B to B. Pour le B to C, il y a un comparateur « Isogaranti », 20 % de rabais, aucune raison pour aller chez son courtier. Le client clique, ressort son attestation, et c’est fini. Maintenant dans le B to B, avec de grosses entreprises de pointe, il est clair que la proximité, le conseil, vont différencier les courtiers les uns des autres.

212assurances : Pour les comparateurs, il n’y en a pas encore au Maroc. Vous pensez que ça peut exister par la suite ?

Ghyzlane Mikou : Malheureusement pas encore. Mais si les compagnies jouent le jeu sur leurs modèles de calcul, cela sera possible. Aujourd’hui, chaque compagnie a son modèle de calcul en fonction des régions et du profilage. Tant que nous n’avons pas de transparence, cela ne peut pas fonctionner. 

212assurances : Mais toutes les compagnies appliquent la même RC auto, et c’est le plus gros des ventes dans l’automobile.

Ghyzlane Mikou : Tant que le régulateur n’a toujours pas donné son accord pour libéraliser les primes de la RC, tout le monde applique la même RC. Maintenant, les compagnies se battent sur des parts de marché au niveau des risques annexes et des garanties qui les couvrent. Sauf que « Monsieur tout le monde » ne prend pas de risques annexes, à part celui qui a un véhicule en W, aussi le jeune cadre … Là, d’ailleurs, ce pourrait être intéressant de partir sur de la digitalisation.

212assurances : Une question plus personnelle. Le secteur de l’assurance est très encadré, et est perçu comme très rigide. Comment se fait-il que vous ayez intégré ce secteur qui parfois paraît repoussoir ?

Ghyzlane Mikou : (Sourire) J’ai atterri dans l’assurance par tout hasard, j’ai démarré ma carrière en 2003 chez Agma, filiale du groupe Al Mada, à travers un premier poste qui s’était présenté après mes études. Et là, j’ai été piquée par « la mouche assurances » et je n’en suis plus jamais ressortie. Effectivement, c’est un métier passionnant, et je pense qu’il y a un bel avenir pour les jeunes qui souhaitent s’intéresser à ce métier. Il y a malheureusement un manque de relève qui n’a pas été assuré, bien qu’il y ait des structures d’accompagnement comme le CFPA de Driss Rhafès qui fait beaucoup d’efforts pour former les jeunes. L’assurance est un métier sur lequel on devrait beaucoup marketer, car c’est un beau métier.

Ghyzlane Mikou, DGA Marsh Morocco, “L’assurance est un beau métier”
212assurances : Donc, si je comprends bien, le succès dans l’assurance est lié à la passion qu’on y met.

Ghyzlane Mikou : Exactement. D’ailleurs tout ceux qui ont été recrutés dans notre équipe ont en commun cette passion. Car quand on est passionnés, on va chercher l’information pour plus apprendre tous les jours sur le métier. Cette passion fait qu’on est marié avec notre métier, car on passe plus de temps avec ses équipes qu’avec sa famille. 

212assurances : Vous parliez de marketer l’assurance, vous pouvez en dire plus ?

Ghyzlane Mikou : Bien sûr, il y a de nouveaux risques, comme la Cyber Assurance, pour couvrir tous les risques de cyberattaques. D’ailleurs, le modèle Marsh encourage beaucoup la spécialisation des marchés. On a des référents dans l’énergie, dans les risques cyber, dans la construction … et justement, on encourage nos équipes à se spécialiser dans des risques de pointe. Cela leur permet aussi d’avancer dans leurs carrières.

212assurances : Donc le secret de la « succès story », c’est de travailler sur des niches assurancielles.

Ghyzlane Mikou : On travaille d’ailleurs sur des entreprises de tailles moyennes, des entreprises et des industries marocaines, et on a la chance de faire partie du réseau Marsh avec du business que l’on draine sur des programmes internationaux. Cela nous permet d’approcher nos clients sur des risques locaux, comme les risques sociaux. Cela fait partie des bénéfices du “fronting”.

212assurances : Avez-vous des vues sur le marché africain ?

Ghyzlane Mikou : Marsh Morocco gère déjà beaucoup de clients africains, au Nigéria, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso. Nous avons travaillé sur de grands dossiers, comme la Baie de Cocody en côte d’Ivoire avec un de nos clients. On accompagne nos clients dans des programmes régionaux, dont le siège social est ici au Maroc. Puis, on déploie, comme nos clients de multinationales basées en France, ou en Allemagne, et qui déploient vers le Maroc. Nous faisons de même en déployant vers l’Afrique. Il y a en fait une « police master » qui est déployée avec le même niveau de garanties, et les mêmes prestations. Cela permet à nos clients d’optimiser ses polices d’assurance. 

212assurances : Si on aborde la partie management, mais aussi le genre. Il y a actuellement toute une génération de femmes dirigeantes. Aujourd’hui, être une femme manager au Maroc, est-ce que cela demande des efforts ?

Ghyzlane Mikou : Oui, bien sur que cela demande des efforts. En termes de légitimité, les femmes sont amenées à faire beaucoup plus d’efforts que les hommes. Les approches sont différentes, surtout pour les approches clientèle. Au niveau managérial, les choses se font au naturel, il suffit de savoir poser les bonnes règles et le bon cadre.

212assurances : Donc, si je comprends bien, vous me dites que pour les clients, l’assurance a une connotation du genre masculin

Ghyzlane Mikou : En tant que femme, je pense qu’on fournit plus d’efforts pour convaincre un client que pour un homme. Je ne dénigre pas la Femme dans sa fonction, mais le métier de l’assurance est plus représenté par les hommes. Il n’y a pas beaucoup de femmes dirigeantes dans ce métier. Nous avons la fierté d’avoir Meryem Chami chez AXA. C’est une fierté pour les femmes d’avoir un leader femme à la tête d’une compagnie d’assurance. C’est la première fois que cela arrive au Maroc, en espérant que ce n’est pas la dernière. C’est un métier qui est perçu comme un métier d’homme, donc il y plus d’efforts à fournir en tant que femme. On y arrive, mais avec plus d’efforts. Par contre, on voit beaucoup de cabinets de courtage qui sont tenus par les femmes, cela évolue.

212assurances : Dernière question, le Maroc connaîtra cette année ses premiers « Trophées de l’Assurance ». Comment vous trouvez ça ?

Ghyzlane Mikou :  Oui, je suis au courant, et je trouve que c’est sympathique et une très bonne initiative. Je me suis dit que ce sera bien d’y participer car c’est le premier évènement de ce genre au Maroc. C’est dommage qu’on ne l’ait pas fait avant. Marsh par exemple dans le Moyen-Orient a le Broker de l’année, le Broker en réassurance de l’année. Et par ailleurs, Marsh l’a gagné la deuxième année successive. J’espère qu’on aura un Trophée cette année au Maroc.

François Olivier Edime – 212assurances – 04 décembre 2022

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