Analyse: L’assurance de demain n’a jamais été aussi présente

Lors de la communication de ses résultats du premier trimestre 2022, l’un des disrupteurs du secteur automobile, Tesla, a fait l’éloge de son offre d’assurance qui a déjà propulsé l’entreprise à la place du 2eme assureur du Texas sur le segment auto.

Le constructeur de voitures électriques a parié sur la télématique embarquée et le traitement des données en temps réel pour promouvoir un produit d’assurance au plus proche du client et vantant les vertus d’un circuit de traitement des événements ramené au plus court.

Cette approche du marché de l’assurance peut inspirer ou inquiéter, le fait est que la matière est en mouvement constant ces dernières années. Les start-ups baptisées « insurtechs » ont donné les premiers signaux de la modernisation. Les intelligences artificielles couplées au big data ainsi que les nouvelles attentes des consommateurs vis-à-vis de la protection de ce qui leur est cher, constituent les synapses des écosystèmes définissant les nouveaux horizons de l’assurance.

Les insurtechs comme composantes essentielles des écosystèmes de l’assurance

Dès leurs débuts, les insurtechs avaient pour vocation de moderniser un métier millénaire en apportant des solutions pratiques aux tâches les plus consommatrices de temps ou nécessitant une robustesse sans faille en termes de fiabilité. Dans le sillage des modèles startups, les insurtechs faisaient le pari de « la » bonne idée afin d’attirer les capacités d’investissement des assureurs puis pour, la plupart du temps, se faire absorber.

Le secteur des insurtechs gagne en maturité à un rythme effréné. Le nombre d’acteurs se multiplie, les business models se diversifient, les solutions et leurs champs d’application continuent de se caractériser par la nouveauté.

Les bénéfices mutuels à tirer d’une organisation en partenariats et en écosystèmes entre assurances traditionnelles et insurtechs a pris le pas. Assureurs et Insurtechs partagent désormais fréquemment une approche par forces conjointes et recherchent des partenariats avec des acteurs tiers (souvent des non-assureurs), donnant naissance au concept d’assurance intégrée (« embedded insurance »). Les synergies en termes d’adaptation des produits d’assurances aux attentes des consommateurs et de lancement de produits innovants sont des avantages compétitifs indéniables et de nouvelles sources de revenus.

Le marché des insurtechs en plein boom – le profil des investisseurs en mutation

Les assureurs sont toujours mobilisés sur des stratégies d’investissement et de modernisation. Ils sont dorénavant rejoints par le Private Equity dans une approche d’optimisation et de disruption des modèles opérationnels des activités d’assurance.

Les insurtechs ont levé près de 15 milliards d’euros de fonds au cours de l’exercice 2021[1],soit près du double de l’exercice précédent. La quantité n’a pas dilué la valeur des projets individuels. En effet, l’investissement moyen par entité s’est élevé à 32 millions d’euros en 2021 contre à peu près 20 millions l’exercice précédent.

Si les chiffres mettent en évidence le dynamisme du marché, le profil des investisseurs a lui aussi connu une évolution notable. La part des investissements représentés par les sociétés d’assurance est passée de 42% en 2019, puis à 25% en 2020 pour se réduire à 17% en 2021. Ce sont en effet les firmes de Private Equity qui se sont mobilisées sur le segment des Insurtechs en s’intéressant aux modèles d’assurance intégrés, avec notamment la vision que ces modèles ouvrent l’accès à de nouveaux marchés.

Les attentes des consommateurs au cœur des innovations

e potentiel de ce marché est principalement dynamisé par les attentes et les comportements des consommateurs qui ont évolué de manière drastique au cours des trois dernières années. Toute la société a en effet été bousculée par une prise de conscience de l’instabilité de nos environnements et les faiblesses révélées dans certains systèmes de couverture des risques, et parfois même des marchés entiers.

Ces consommateurs attendent de comprendre comment sont protégés leurs biens et les personnes qui leur sont les plus chères. Ils privilégient d’ailleurs les canaux d’information qui leur sont familiers dans les autres domaines de leur quotidien de consommation, c’est à dire un environnement digital articulé autour d’une expérience client fluide et personnalisée. 

Ainsi, il est tout à fait logique de constater que les Insurtechs qui attirent le plus d’attention et présentant le plus important potentiel de croissance sont celles qui englobent le Big Data, l’Intelligence artificielle, les concentrateurs (Application Programming Interfaces, « APIs ») et la digitalisation à tous les niveaux de leur chaîne de valeur.

L’un des moteurs du succès réside dans la mise en place d’outils qui placent en leur centre le partage et la gestion de données-clés pour l’assurance, à recouper avec d’autres informations plus généralistes autour des habitudes de consommation. Ces données relatives aux préférences et aux modes de consommations sont dispersées entre différentes organisations. Les reconnecter via des APIs tout en assurant au consommateur qu’il gardera la main sur ses propres données permet de proposer des produits d’assurance adaptés au plus près des attentes-clients.

J’ai pu assister il y a quelques semaines et à moins de 2.000 kilomètres d’ici, aux explications d’une jeune pousse de l’insurtech sur leur solution basée sur le regroupement des données à l’initiative du consommateur. Une approche et un outil multiplateformes que le fondateur et la fondatrice avaient lancée quelques mois plus tôt en anticipant les évolutions règlementaires de leur marché local. Ils démontrent que le digital se fondant sur la donnée apporte au client une décision éclairée en matière d’assurance qu’il perçoit comme utile et adaptée.

Dans un avenir tout proche, par exemple l’achat de votre prochain véhicule électrique, il ne serait donc pas surprenant qu’avec un peu de votre aide le constructeur vous propose une assurance prenant en compte vos trajets préférés, votre profil de conduite, vos lieux de stationnement les plus fréquents ou la destination de vos prochaines vacances.

Les intelligences artificielles incontournables mais encadrées

L’intégration des intelligences artificielles et des processus automatisés est allée de paire avec l’accroissement des volumes de données gérés au niveau de toutes les composantes de l’activité d’assurance. Les assureurs se sont très tôt tournés vers l’analyse de données et les modélisations qui se sont muées en différentes formes d’intelligence artificielle.

Des outils qui apportent de l’efficacité mais également de la précision dans la fixation des tarifs, l’adaptation des couvertures d’assurance ou encore le provisionnement des risques.

Certes, la modélisation et la complexité des modèles a toujours fait partie du quotidien des actuaires, qui doivent également s’assurer que les résultats générés notamment en termes de provisionnement et de besoin en capital doivent être conformes aux attentes des cadres réglementaires. 

Les algorithmes se perfectionnent et se sophistiquent dans ce contexte, aidés par le machine learning et la recherche de corrélation de données provenant de sources de plus en plus diverses. Sans contrôle, un nouveau risque se profile avec des processus de traitement de données qui échapperaient à la compréhension humaine. Un risque qui vient s’ajouter à une méfiance généralisée chez les consommateurs quant au Big Data et l’intelligence artificielle. Au-delà du lieu commun qu’une surveillance généralisée des comportements est techniquement possible, l’utilisation de recoupements de données automatisées pourrait de fait exclure certaines catégories de population – peut-être déjà économiquement pénalisées – de l’accès à certains produits d’assurances ou services financiers.

C’est en partie pour limiter ces risques que le législateur Européen a choisi à d’encadrer à travers des règles harmonisées autour de l’intelligence artificielle entre les différents secteurs d’activité.  Un cadre qui rejoint les orientations exprimées par la European Insurance and Occupational Pensions Authority il y a un an sur les principes de gouvernance à appliquer aux intelligences artificielles dans le secteur des assurances.

Les intelligences artificielles sont à même d’adresser au plus près les attentes de simplicité, efficacité de traitement et de personnalisation qu’ont les consommateurs et les opérateurs économiques. Cependant, l’exemple du constructeur automobile devenu concepteur de nouvelles solutions d’assurance a ses limites sur le marché européen. Nos assureurs vont garder à l’esprit que les consommateurs de ce marché sont tout aussi demandeurs de personnalisation qu’attentifs à la protection de leurs données personnelles. L’assuré d’aujourd’hui aura toute confiance en son assureur s’il sent qu’il a pu conserver la main sur les informations qu’il a souhaité partager.

[1] State of Fintech: Global 2021, January 2022, CB Insights

Summary

Cette approche du marché de l’assurance peut inspirer ou inquiéter, le fait est que la matière est en mouvement constant ces dernières années. Les start-ups baptisées « insurtechs » ont donné les premiers signaux de la modernisation. Les intelligences artificielles couplées au big data ainsi que les nouvelles attentes des consommateurs vis-à-vis de la protection de ce qui leur est cher, constituent les synapses des écosystèmes définissant les nouveaux horizons de l’assurance.

Brice Bultot, EY Luxembourg Partner, Insurance Leader

212assurances – 05 février 2023

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