Le secteur des banques participatives au Maroc, qui repose sur les principes de la finance islamique, est confronté à un défi majeur : un problème aigu de liquidité. Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib, a récemment alerté sur ce déséquilibre préoccupant entre les financements accordés et les dépôts disponibles dans ces établissements lors du 23ᵉ Forum sur la stabilité financière islamique tenu à Rabat.
Depuis l’octroi des premières autorisations en 2017 et leur démarrage effectif en 2020, l’expérience marocaine dans ce domaine reste récente mais prometteuse. Toutefois, le volume des financements octroyés par les banques participatives a atteint environ 35 milliards de dirhams, alors que leurs dépôts ne dépassent pas 12 milliards de dirhams. Cet écart important exerce une pression considérable sur leur capacité à répondre aux besoins en liquidité nécessaires pour assurer leur fonctionnement optimal.
Face à cette situation délicate, Bank Al-Maghrib travaille activement avec le Conseil scientifique supérieur pour développer des solutions techniques et juridiques visant à atténuer cette crise. Cependant, ces mesures restent limitées et non durables si elles ne sont pas accompagnées d’actions structurelles plus profondes. Parmi les pistes envisagées figurent notamment l’émission par l’État marocain de sukūk souverains (des titres islamiques conformes à la charia) ainsi que la possibilité offerte aux banques participatives d’émettre leurs propres sukūk afin de renforcer leur capital et soutenir leurs capacités financières.
Au-delà du volet financier strictement technique, Abdellatif Jouahri insiste également sur l’importance d’améliorer la gouvernance au sein des banques participatives. Il souligne qu’il est essentiel que tous les acteurs impliqués dans le développement du financement islamique au Maroc adoptent une stratégie cohérente et adaptée pour pérenniser ce secteur émergent. Cette démarche s’inscrit aussi dans une dynamique internationale puisque le Maroc est membre actif depuis 2012 du Conseil des services financiers islamiques (IFSB), institution mondiale majeure qui accompagne la normalisation réglementaire et favorise le dialogue entre autorités régulatrices dans ce domaine.
La finance participative représente aujourd’hui environ 2% des actifs bancaires totaux au Maroc, un chiffre encore modeste mais en croissance grâce aux efforts conjoints menés depuis 2015 pour mettre en place un cadre réglementaire clair soutenu par une feuille de route précise pilotée notamment avec l’appui du Conseil supérieur des oulémas marocains. Ce cadre vise non seulement à garantir la conformité religieuse mais aussi à favoriser davantage d’inclusion financière.
En résumé, malgré son potentiel évident pour diversifier l’offre bancaire marocaine tout en respectant les préceptes islamiques, le secteur des banques participatives doit relever plusieurs défis cruciaux : résoudre durablement ses problèmes structurels liés à la liquidité ; renforcer sa gouvernance ; bénéficier d’un appui réglementaire adapté ; enfin s’inscrire pleinement dans une coopération internationale renforcée autour de standards communs.
Ces enjeux sont déterminants pour assurer un nouveau souffle au financement participatif marocain qui pourrait ainsi jouer un rôle accru dans le développement économique national tout en répondant aux attentes spécifiques d’une clientèle sensible aux principes éthiques portés par cette finance alternative.
212assurances – 05 juillet 2025