INDEMNITÉ PERTE D’EMPLOI : UN RECOURS IMMINENT POUR SAUVER LA PERTE D’EMPLOI?

Le projet de décret-loi n°2.20.605 édictant des mesures exceptionnelles au profit de certains employeurs adhérents à la CNSS en cours de discussion vise à préserver 80% des emplois. Quid des 20% ? N’est-il pas venu le temps de recourir à l’indemnité perte d’emploi pour sauver les moins chanceux ?

Avec la prolongation de la pandémie, qui s’avère plus dure que prévu, ravageant tout sur son passage, avec des centaines de vies menacées et des ponts de l’économie de plus en plus fragilisés.  L’Etat n’a d’autre alternative que d’intervenir. Le gouvernement doit jouer son rôle de stratège et de régulateur pour éviter l’écoulement de l’économie, soutenir le tissu économique et sauver un tant soit peu les emplois. C’est à juste titre la finalité du projet de décret-loi n°2.20.605 édictant des mesures exceptionnelles au profit de certains employeurs adhérents à la CNSS, et de leurs employés déclarés assurés auprès de ladite Caisse qui est aujourd’hui soumis à discussion.

A travers ce projet, le gouvernement tente de minimiser la casse en venant en aide aux secteurs les plus touchés par le ralentissement de l’économie, les mesures adoptées par l’Etat pour limiter la propagation du virus ou tout simplement par le contexte international marqué par la fermeture des frontières.

Des secteurs qui, contrairement aux prévisions,  n’ont pas pu se remettre en marche après 3 mois de confinement. Face à cette nouvelle donne, le gouvernement change d’approche et s’apprête à aider non pas uniquement les entreprises en arrêt total mais également celles en difficulté à condition de préserver 80% des emplois.

Le ministre de l’Emploi Mohamed Amekraz a précisé devant la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, qu’il s’agit d’une condition sine qua non pour soutenir lesdites entreprises. Il a précisé que la durée de l’indemnité sera déterminée en fonction des spécificités de chaque secteur.

Revenons en à l’objectif principal de ce dispositif à savoir la préservation d’emploi, à travers la condition des 80%. Le gouvernement n’encourage-t-il pas en quelque sorte le licenciement de 20% des employés ? Quel est l’ impact sur le taux de chômage qui d’après le HCP risque de frôler les 15% en 2020 si ce n’est plus ? A-t-on prévu des garde-fous pour préserver les droits de ceux qui n’auront pas la chance de faire partie des 80 % ?

En effet, la condition des 80% de préservation d’emploi n’est pas très claire et porte à confusion.

Le gouvernement donne-t-il le feu vert aux licenciements ?

Si par la préservation de 80% des emplois le ministre laisse la porte ouverte aux entreprises pour se séparer d’une partie de ses employés, l’heure devient très grave et elle le sera davantage plus pour ceux qui auront la mal chance de se trouver dans le lot des 20%. Il est  donc impératif de bien encadrer le dispositif pour éviter les dérapages, l’injustice et les abus de la part des employeurs. En effet, ce que certains observateurs craignent, c’est que les employeurs profitent de cette condition pour faire du “ménage” et avoir un alibi juridique pour justifier le licenciement d’employés pour des raisons autres que celle de la crise.

Certes, cette mesure est louable mais il ne doit surtout pas être au détriment du maillon faible de la chaîne qui est l’employé.

D’où la question : qu’a prévu le gouvernement pour les 20% des employés qui pourraient être sacrifiés pour sauver l’entreprise ? Cette frange du tissu économique sera-t-elle à ce moment éligible à l’indemnité perte d’emploi instaurée en 2014 après l’adoption de la loi no 03-14 complétant et modifiant le dahir no 1-72-184 relatif au régime de sécurité sociale ?

Une question légitime puisque jusqu’à présent le gouvernement avait gelé le recours à ce dispositif depuis le début de cette pandémie. Le fonds de l’IPE doté de 3 Mds de DH n’était pas dimensionné pour un tel besoin et donc toute personne ayant perdu involontairement son emploi en cette période de crise ne pouvait pas recourir à cette indemnité.

Le gouvernement avait plutôt opté pour l’indemnité forfaitaire de 2.000 DH pour les employés en arrêt temporaire de travail. Mais qu’en est-il de ceux ayant été licenciés ? Pas de réponse. A noter que la CGEM a également appelé le gouvernement à activer cette assurance chômage qui constitue une protection minimale pour compenser durant 6 mois ceux qui répondent aux exigences d’éligibilité.

Or là encore, il y a du chemin à parcourir. Rappelons que depuis son adoption en 2014, les syndicats et le patronat n’ont cessé d’appeler le gouvernement à revoir lesdits critères jugés très contraignants. Mais en vain, la réforme de l’IPE traîne toujours.  Rappelons que le Conseil d’administration de la CNSS avait décidé en date du 23 juillet 2013 de lancer une étude d’évaluation 3 ans après de l’entrée en vigueur de ce dispositif dans le but de trouver des solutions adéquates et apporter les réformes nécessaires.

5 ans plus tard soit le 18 octobre 2018 le Conseil d’administration de la CNSS avait fini par soumettre au Chef du gouvernement les différents scénarios relatifs à l’amélioration de ce dispositif notamment via l’amélioration des procédures tout en garantissant sa pérennité. Depuis, c’est silence radio sur ce sujet.

En attendant, les employés devront prendre leur mal en patience et attendre leur sort.

Lamiae Boumahrou 14 septembre 2020 – EcoActu

Total
0
Shares
Previous Article

Covid-19: L’assurance sauve son semestre

Next Article

AGMA LAHLOU TAZI : DES RÉSULTATS EN BAISSE DOUBLEMENT IMPACTÉS À FIN JUIN

Related Posts