AMO : le gouvernement abdiquera-t-il face aux avocats ?

L’association des barreaux du Maroc campe sur ses positions et s’accroche à sa mutuelle, tournant le dos au projet royal de généralisation de la protection sociale.

La généralisation de l’AMO exclura-t-elle les avocats ? L’Association des Barreaux du Maroc (ABAM) pèse de tout son poids en ce sens, face à un gouvernement attentiste.

Officiellement, des négociations sont en cours. Elles durent depuis la publication, en 2018, de la loi 98-15 relative à l’AMO sur les indépendants. Pour les avocats, l’application de ce texte est suspendue à la publication d’un texte réglementaire. Lequel devra fixer le revenu forfaitaire établissant l’assiette qui servira de base à calculer le montant des cotisations, étape ultime pour l’intégration des robes noires.

Dans les tractations, le montant des cotisations n’est qu’un paramètre accessoire. Pour l’ABAM, l’idée même d’adhérer au système étatique dérange. Sauf qu’entre-temps, le Roi a lancé le chantier de la protection sociale, matérialisé par une loi-cadre publiée en avril 2021. L’objectif est d’intégrer toutes les professions libérales à l’AMO et ce, d’ici fin 2022.

C’est un projet sociétal porté par le Roi. Tout le monde est adhérent. De par sa portée et son contenu, la loi-cadre scelle officiellement l’intégration des avocats. Ils sont adhérents d’office. La seule partie négociable est celle du revenu forfaitaire pour les cotisations », nous dit une source impliquée dans le projet royal.

Pas de quoi convaincre les barreaux, qui campent sur leurs positions. Quitte à pousser l’Exécutif à l’abdication ? Pour cette source gouvernementale, il faut voir le verre à moitié plein : « c’est la loi des grands nombres. Beaucoup de professions sont entrées. Que d’autres résistent, pourquoi pas ? Il faut regarder tous ceux qui sont entrés. Pour le reste, nous allons y arriver à force d’explication et de négociations, ce qui est en cours.

Le ministre de la Justice, qui est par ailleurs avocat, est le mieux placé pour discuter avec les avocats. Chaque ministre doit discuter avec les professions sous sa tutelle », nous dit la même source. Manière de renvoyer la balle à Abdellatif <strong>Ouahbi.</strong> Ce dernier mène les négociations avec ses confrères. Sollicité par Médias24, il n’a pas daigné répondre à nos questions.

Le 25 février dernier, le ministre de la Justice a évoqué le sujet lors d’une réunion avec l’ABAM. Tenu à huis clos, l’évènement a connu la présence de Faouzi Lakjaa, ministre délégué chargé du budget. Il est venu plaider « la nécessité d’adhérer » au projet étatique, confie un bâtonnier présent à la réunion.

Pour sa part, l’ABAM défend une spécificité de la profession : les avocats ont leur propre organisme de prévoyance sociale, la Mutuelle générale des barreaux du Maroc.  « Depuis sa mise en place en 2008, la mutuelle a accumulé des acquis et il est difficile de tout annuler », nous dit le bâtonnier Mohammed Akdim, ancien président et aujourd’hui membre de l’Association des barreaux.

« L’une des pistes proposées est que le système de la CNSS soit complémentaire et non obligatoire. Mais la grande orientation, au sein de la profession, est que l’adhésion à cette Caisse n’est pas nécessaire et que l’Etat doit accorder cette exception aux avocats, sachant que nous disposons d’un système propre depuis 14 ans », détaille notre interlocuteur.

Pour les avocats, l’idée d’une adhésion obligatoire à ce système étatique questionne « l’indépendance de la profession ». Mais les raisons de la résistance sont plus terre à terre : « Le montant de la cotisation pour la CNSS dépassera les 10.000 DH, là où il n’est que de 4.600 DH pour la mutuelle. C’est un facteur déterminant dans le choix des avocats », estime Me Akdim.

Le refus de l’AMO est porté publiquement par l’ABAM.  Mais parmi les robes noires, le sujet ne fait pas l’unanimité. Insatisfaite par leur mutuelle, une partie des robes noires plaide même pour un ralliement au système étatique, sous réserve de revoir les cotisations à la baisse. Pour les pro AMO, la crainte est surtout de subir un doublement des charges du nouveau régime et celles, déjà importantes, imposées par leurs barreaux pour financer la mutuelle, entre autres mécanismes de solidarité développés par la profession.

Abdelali El Hourri – 17 avril 2022 – Médias24

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