Saham Assurance : Le point sur les performances et la stratégie avec Yahia Chraibi

Dans cet entretien accordé à Médias24, le nouveau directeur général de Saham Assurance, qui deviendra bientôt Sanlam Maroc, commente les résultats 2021 de la compagnie nationale. Yahia Chraibi expose sa stratégie et ses ambitions sur un marché fortement concurrentiel.

2022 est une année charnière pour Saham Assurance. La compagnie, devenue filiale marocaine du Sud-africain Sanlam en 2018, arborera cette année le nom et les couleurs de sa maison mère.

Un changement qui selon le nouveau directeur général de Saham Assurance, Yahia Chraibi, sera assurément bien accueilli par le marché, les partenaires et les clients. Ce quadra a pris les rênes de la compagnie il y a moins d’un an, en pleine pandémie.

On n’intègre pas la direction d’une entreprise – grand opérateur de son secteur – au cours d’une crise inédite comme en temps normal… « Une crise induit un manque de visibilité. Donc c’est une période où il est important de (re) créer la confiance, (re) fédérer les collaborateurs et fixer un cap vers lequel on va diriger les efforts », répond-il à notre question.

Le fait de bien connaître la maison lui a toutefois rendu la tâche plus aisée. « Cela fait dix ans que je suis dans le groupe. J’ai l’impression d’avoir toujours été là », nous confie-t-il. « Le temps passé à la holding et à Saham Assistance, dont Saham Assurance est un client, a facilité les choses. » Le nouveau directeur général a donc profité du contexte de la pandémie pour accélérer la transformation et orienter les efforts sur les priorités.

De notre échange, il ressort que la compagnie, leader sur plusieurs segments, a pour objectif d’être plus offensive sur certains marchés, notamment l’assurance Vie tout en s’assurant de faire de « la croissance profitable », comme il se plaît à répéter.

En d’autres termes, Saham Assurance ne cherche pas à afficher un chiffre d’affaires en croissance à n’importe quel prix. De la croissance, certes, mais avec de la rentabilité. C’est, en somme, ce que vise toute entreprise. Et à cette fin, la filiale marocaine s’appuie sur l’expertise centenaire de sa maison mère pour peser de tout son poids sur le marché. Surtout que, récemment, Sanlam et Allianz ont annoncé un partenariat stratégique sur le continent, incluant le Maroc.

Les performances 2021 ne sont pas uniquement un effet de rattrapage ou de rebond. C’est aussi une réelle progression.

Médias24 : On ne peut pas éviter d’aborder en premier lieu l’actualité récente. Les groupes Sanlam et Allianz ont annoncé leur rapprochement. Un commentaire sur l’avenir ?  

Yahia Chraibi : Les deux groupes ont convenu de combiner leurs opérations actuelles et futures en Afrique (hors Afrique du Sud).

Cet accord est soumis à des conditions suspensives, notamment les approbations des autorités de la concurrence, de la régulation du secteur des assurances, des autorités des marchés des capitaux, y compris au Maroc.

Il est prématuré d’en parler car le processus nécessite du temps. Nous communiquerons au moment opportun.

– Saham Assurance a bouclé l’année 2021 avec un chiffre d’affaires consolidé de 5,6 MMDH en hausse de 9,7%. La performance 2021 vous a-t-elle permis d’effacer la contre-performance de 2020 ? Et comment l’évaluez-vous par rapport à 2019, qui est une année normative ? 

– Ce sont de bonnes performances, en effet ; nous avons atteint notre objectif de revenir à des niveaux comparables à 2019, et nous nous en réjouissons.

Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas uniquement d’un effet de rattrapage ou de rebond. C’est aussi une réelle progression.

Ces dernières années, nous avons en effet mené tout un travail de fond, en termes de transformation et d’innovation « utile » pour l’assuré, qui a été accéléré en 2020 en réaction à la crise Covid, et dont nous avons récolté les fruits en 2021.

Une croissance profitable, c’est continuer à croître fortement mais sainement, avec une approche plus fine et ciblée des clients et marchés

La prévoyance, un marché à part entière

– Vous avez progressé plus fortement sur l’activité Vie (12,2%) en comparaison avec la Non-Vie (9,5%), qui représente pourtant votre activité historique. Qu’est-ce qui explique cela ?

– Notre forte croissance sur la Vie s’inscrit dans une hausse globale du marché. Mais pas seulement. Elle est également le fruit d’une stratégie particulièrement volontariste de Saham Assurance pour développer la Prévoyance, dont la part a beaucoup augmenté dans notre portefeuille (que ce soit en bancassurance ou hors bancassurance).

– Pourquoi ce parti pris pour la prévoyance ?

– Pour plusieurs raisons. D’une part, c’est un segment que nous considérons comme un marché à part entière, stratégique, avec un vrai potentiel de croissance, et plus encore : de croissance profitable.

D’autre part, c’est un segment sur lequel nous disposons d’atouts importants, en synergie avec notre Groupe, en termes d’offre et de mode de distribution. Bref, il représente un bon relais de croissance !

– Une croissance profitable, plus concrètement, c’est quoi ? 

– Quand on parle de croissance profitable, l’idée est de continuer à croître fortement mais sainement, en ayant une approche plus fine et ciblée de nos clients et marchés. C’est ce qui explique, par exemple, notre volonté de nous développer sur la prévoyance.

De même, quand on parle de priorité donnée à la qualité de service, c’est ce qui motive notamment toutes nos dernières offres de produits et services, nos nouveaux parcours digitaux, nos nouveaux parcours d’indemnisation, etc.

En bref, notre maître mot en la matière est l’innovation, en particulier dans le service. Une innovation qui doit être ‘utile’ pour l’assuré.

– Des exemples de ces innovations ?

– Pour citer quelques exemples concrets, qui illustrent bien cette notion de service ou ‘d’utilité’, nous avons lancé à la fin de l’année dernière une nouvelle offre Automobile, Assur’Auto Premium, qui permet aux assurés de maintenir leur mobilité en cas d’accident et de se voir soulager de leurs démarches d’indemnisation.

Nous avons également – pour revenir à la Prévoyance – lancé en 2021, l’offre « Lwoqt ou Zmane » qui permet à l’assuré de mettre sa famille à l’abri en cas de décès, sans que cela ne soit à « fonds perdu » puisque s’il n’a pas de sinistre, il peut récupérer, au bout de 15 ans, toutes les primes qu’il a payées jusqu’alors. Ces offres sont inédites, nous sommes les seuls à les proposer.

Une autre innovation concerne cette fois-ci nos canaux de distribution. Nous développons ainsi des modes de distribution alternatifs, dont certains assez disruptifs qui nous viennent de notre Groupe (Sanlam).

Le contrat qui nous lie à Crédit du Maroc court encore, et notre partenariat n’a connu aucun changement pour l’instant.

– En quoi sont-ils disruptifs ?

– L’idée est de développer, conjointement avec notre réseau qui y joue un rôle important, des modes de distribution qui facilitent la vie de l’assuré d’une part, et participent à l’effort de proximité et sensibilisation d’autre part.

Par exemple, nous développons un dispositif de démarcheurs, constitué de commerciaux à qui on assigne des objectifs précis. Toute la complexité de ce système, c’est de recruter et former les bonnes personnes qui font un travail de démarchage. C’est totalement inédit au Maroc.

Autre exemple, nous développons de plus en plus la distribution en ligne, l’idée étant de permettre à nos assurés de souscrire leur assurance en ligne tout en bénéficiant de l’accompagnement de leur agent.

Pour tous ces modes de distribution alternatifs, de même que pour le circuit classique, nous comptons avant toute chose sur notre réseau d’intermédiaires, qui est le plus étendu du Royaume (y compris en zone rurale), et qui est extrêmement engagé aux côtés de nos assurés.

– Ce nouveau canal de distribution est une alternative pour vous permettre d’être totalement indépendant du réseau bancaire, surtout que la future acquisition de Crédit du Maroc par le groupe Holmarcom, actionnaire de Atlanta-Sanad, vient perturber le contrat d’exclusivité qui vous lie ?

– Le contrat qui nous lie à Crédit du Maroc court encore, et notre partenariat n’a connu aucun changement pour l’instant. Cela étant, il est toujours intéressant de développer des relais de distribution et de croissance.

– On retient donc que Saham Assurance bénéficie fortement des synergies avec Sanlam, leader de l’assurance Vie, pour tirer plus de croissance et de parts de marché sur ce segment…

– En effet, Sanlam dispose d’une expertise indéniable et d’une assise considérable en assurance Vie à l’échelle du continent, sur lesquels nous avons la chance de pouvoir nous appuyer. Notre objectif étant de développer notre activité Vie, au-delà des 17% qu’elle représente aujourd’hui au sein de notre chiffre d’affaires, et ce de manière disruptive par rapport au marché. Nous ne nous battons pas avec les mêmes armes. Donc nous innovons.

Cela étant, il y a bien d’autres marchés sur lesquels nous bénéficions de synergies très vertueuses avec notre Groupe. Le marché des risques d’entreprise en est un parfait exemple. Ainsi, inspirés par le Groupe, nous avons lancé une application unique sur le marché, l’application Assur’Risk, qui permet aux intermédiaires et même aux clients de faire leur propre évaluation des risques en vue de réaliser une souscription à distance.

De même, dans le domaine de la réassurance, le Groupe Sanlam nous offre des capacités en réassurance qui nous permettent d’être plus réactifs et performants pour réassurer certains risques au Maroc.

Bref, les cas d’usage sont nombreux et très prometteurs !

Sur le segment Risques d’entreprise, nous avons encore un fort potentiel de progression et sommes de mieux en mieux positionnés.

La Non-Vie reste une priorité pour Saham Assurance

– Sur le segment Non-Vie justement, quelle est la stratégie adoptée ?

– Sur la Non-Vie, Saham Assurance est leader depuis plusieurs années, notamment sur l’Auto et sur la Santé. Notre objectif est donc de continuer à renforcer notre leadership.

Là encore, l’idée n’est pas juste d’afficher de la croissance, mais d’aller vers une croissance profitable. A ce titre, l’année 2020, qui a été une année difficile pour tous, l’a été doublement pour nous car nous y avons fait des choix stratégiques utiles sur le moyen-long terme, mais difficiles à court terme, comme par exemple le fait de délaisser certains segments sur l’automobile.

Par ailleurs, le renforcement de notre leadership sur la Non-Vie passe aussi, et encore une fois, par le renforcement de notre qualité de service et par le fait de cultiver une longueur d’avance en termes de transformation (notamment digitale) et d’innovation.

– Des efforts supplémentaires seront-ils déployés pour aller chercher plus de ‘croissance profitable’ comme vous dites ?

– Bien sûr. Aujourd’hui, vu sa taille, la Non-Vie reste évidemment une priorité majeure pour nous, sur laquelle nous entendons continuer à croître sainement, en apportant de la valeur et du service à nos clients. Car je suis intimement convaincu que le prix ne fait pas tout, et qu’on ne doit pas s’inscrire dans une guerre de prix.

Quand je dis Non-Vie, je pense évidemment à l’Automobile et à la Santé, mais aussi aux Risques d’entreprise, sur lesquels nous avons encore un fort potentiel de progression et sommes de mieux en mieux positionnés.

– Vous avez évoqué, entre les lignes, la sinistralité. Comment évolue-t-elle chez Saham Assurance ? 

– Si l’on compare notre ratio Sinistres sur Primes de 2021 par rapport à 2019 (2020 étant une année atypique en raison de la Covid-19), on observe une amélioration de 2,3 points, ce qui est très significatif !

C’est une amélioration d’autant plus notable, qu’elle est surtout portée par l’Automobile, alors même que le nombre d’accidents de la route au niveau national a crû de 14% sur la même période. Cela démontre bien l’efficacité de notre stratégie.

– Quid de la Maladie ?

– Sur la Maladie, la situation est différente. C’est un marché sur lequel nous sommes leaders depuis longtemps, avec un positionnement fort sur les Communautés, et principalement sur la complémentaire.

C’est un choix stratégique qui est historique puisque nous l’avons opéré il y a plusieurs années, et qui prend tout son sens avec les évolutions récentes. En effet, la réforme en cours de la généralisation de la protection sociale, avec la gestion de l’assurance de base par la CNSS, poussera le secteur privé de l’assurance à aller vers la complémentaire.

Donc notre positionnement historique est aligné avec la mutation du marché. Ce n’est ni un accident ni un coup de chance. C’est une évolution qui a été anticipée depuis des années.

– Saham Assurance est aussi un investisseur. Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre stratégie de placement pour 2022, la santé de votre portefeuille ?

– 2021 a été une année de bonnes performances pour nous, portées par un effet de rebond global du marché en lien avec la sortie de la crise Covid-19. Nous sommes donc revenus à des niveaux intéressants de performance, équivalents à ceux que nous avions avant la pandémie. Cependant, au-delà de cet effet de rattrapage, nous avons aussi bénéficié de notre stratégie, à la fois long-termiste et de diversification de nos placements.

En ce qui concerne 2022, l’année a bien démarré, mais le contexte a changé, notamment à cause de l’inflation qui va impacter les taux. Le marché action est lui aussi sur une tendance baissière. Cela dit, nous restons confiants dans notre capacité de résilience.

Hayat Gharbaoui – 18 mai 2022
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