La faute de l’expert peut-elle engager la responsabilité de l’assureur ?

L’assureur est-il responsable des écrits ou engagements d’un expert? Pour y répondre, voyons une situation arrivée en France à un propriétaire de scooter qui a été victime d’une tentative de vol.

Arnaud Chneiweiss est médiateur de l’assurance de l’assurance en France, et nous relate ce cas de figure. En mars 2022, le propriétaire du scooter est victime d’une tentative de vol. Il déclare le sinistre à son assureur, qui missionne un expert aux fins d’évaluer les dommages. À réception du rapport d’expertise, l’assureur refuse d’intervenir : « aucune trace d’effraction n’a été constatée lors de l’expertise ». L’assuré conteste et affirme que l’expert lui avait donné son accord pour faire procéder aux travaux de réparation.

Le décors est planté, que s’est-il passé ?

Les conditions générales prévoyaient que pour que la garantie vol soit mobilisable, il était nécessaire que le véhicule ait été endommagé à la suite d’une tentative de vol, matérialisée par des traces d’effraction mécanique ou électronique sur le véhicule. Or aucune effraction n’a été constatée par l’expert sur le scooter. Dès lors, les conditions de la garantie n’étant pas réunies, l’assureur a fait une correcte application des dispositions contractuelles en refusant de délivrer sa garantie.

Cependant, l’assuré nous dit : « l’expert a validé les dégâts et a mentionné que les travaux pouvaient être réalisés. Je les ai réalisés puis l’expert m’a même relancé pour que je confirme que j’avais effectué les travaux dans le garage en question ». En effet, par courrier du 26 avril l’expert lui a demandé de prendre rendez-vous avec le garage au motif que les travaux préconisés pouvaient être effectués. Il lui a également demandé de lui communiquer la « date de mise en réparations par mail ». L’assuré a donc déposé son scooter au garage le 29 avril. Puis, l’expert est revenu à nouveau vers l’assuré le 1er juin en ces termes : « Avez-vous fait réparer votre véhicule ? Si oui, merci de nous adresser la facture par mail. Si non, merci de nous indiquer la date de mise en réparations par mail ». Si bien que l’assuré a transmis la facture des travaux (1600 €) à l’expert par la suite, quand ceux-ci furent réalisés.

Une certitude

L’expert n’est pas mandataire de l’assureur dans la mesure où le contrat de mandat concerne la réalisation d’actes juridiques. Le contrat entre l’assureur et l’expert est un contrat d’entreprise. Il en découle qu’une faute de l’expert, professionnel indépendant, n’engage par principe que sa propre responsabilité. La Cour de cassation a cependant retenu la responsabilité de l’assureur du fait des fautes commises par l’expert dans l’hypothèse où ce dernier s’est comporté en mandataire de l’assureur. Or, au vu des éléments communiqués, il apparaît qu’en raison du comportement de l’expert, l’assuré a légitimement pu croire que celui-ci était le mandataire de l’assureur, et que les réparations seraient prises en charge.

Et dans la réalité, au Maroc ?

Ce cas de figure aurait-il été suivi de la même manière au Maroc ? Dans les faits, nos experts, comme vu dans l’article “Expert en Assurances: Un métier d’avenir ?” du 6 août sur 212assurances, ont différents statuts auprès des assureurs. Ici, ce serait un expert agrée par les compagnies qui pourrait étudier le sinistre de l’assuré. En aucun cas, il ne pourrait se substituer à l’assureur en donnant l’ordre d’engager les réparations, sans avoir fait valider le dossier par l’assuré et la compagnie. De plus, ce n’est pas son rôle d’engager le choix final de la compagnie, de régler ou pas le sinistre. Ce qui s’est passé en France dans cet exemple, est un engagement de l’expert, qui au final, pénalise l’assuré.

Rappelons qu’un assuré n’est pas un expert de l’assurance, et qu’il remet sa confiance dans les différents acteurs reconnus comme professionnel pour gérer son sinistre. En l’occurrence, ici cet assuré, est une victime non experte de l’assurance.

La fin de cette histoire pour l’assuré du scooter, est que le médiateur a préconisé de rembourser au moins 50% de la facture engagée par l’assureur. C’est toujours mieux que rien …

212assurances – 27 août 2023

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