VICTIMES DU COVID-19 : POURQUOI L’EXCLUSION DE L’INDEMNISATION PAR LE FSEC ?

La constitution du Fonds de solidarité contre le Covid-19 suscite des interrogations sur la non prise en compte des épidémies par le Fonds de Solidarité Contre les Evénements catastrophiques (FSEC) dont la date de démarrage a été le 1er janvier 2020.

En ces temps de crise sanitaire, le Maroc a fait preuve d’une très forte solidarité. La décision de création d’un fonds spécial pour la gestion de la pandémie est un moyen pour soulager la pression sur les finances publiques qui bien avant le coronavirus présentaient des signes de fragilité. Conscients de cette réalité, pratiquement toutes les forces vives de la nation ont cassé la tirelire pour contribuer à faire face aux effets socioéconomiques néfastes engendrés par la pandémie. Cet élan de solidarité a permis la collecte en peu de temps de contributions importantes de la part de donateurs dont le cumul à fin avril a atteint 32 Mds de DH, soit l’équivalent 3% du PIB. Mais est-ce suffisant ?

La question mérite d’être posée parce que l’épidémie du Covid-19 rappelle à ceux qui semblent l’oublier que nous vivons dans un monde où chaque jour de nouveaux risques apparaissent amenant un cortège de conséquences économiques et sociales des plus gravissimes.

Attentats, catastrophes naturelles, cyber-attaques ou épidémies… le spectre des risques s’est largement modifié voire amplifié au cours des dernières années. D’où la nécessité de réfléchir sérieusement à une vision long-termiste globale.

C’est dans ce sillage que le Maroc s’est doté d’un dispositif de gestion de risques des catastrophes naturelles. En effet, ledit dispositif est entré en vigueur le 1 er janvier 2020. Le décret portant sur le financement du Fonds de solidarité contre les évènements catastrophiques (FSEC) institué par la loi 110-14 institue une taxe parafiscale de solidarité au profit du Fonds. Celle-ci représente 1% du montant des primes et cotisations des contrats d’assurance soumis à la taxe. Ajoutons à cela que dans le cadre de la Loi de Finances 2020, le FSEC a bénéficié d’une dotation initiale de l’Etat de 300 MDH.

Le spectre des risques s’élargit

La constitution de ce Fonds de solidarité n’a pas empêché bon nombre d’opérateurs, d’économistes voire même de simples citoyens à s’interroger sur la non prise en compte des épidémies par le Fonds de Solidarité Contre les Evénements catastrophiques (FSEC). D’autant plus que comme signalé, les dernières années ont été marquées d’épidémies sévères bien qu’elles ne soient pas de la même ampleur que le Covid-19.

« Le risque pandémique est un risque non assurable pour le moment. En effet, un risque ne peut être couvert que si l’assureur peut procéder à une mutualisation entre individus ou entre différentes régions dans le monde. Nous avons tous observé que le Cov-19 a provoqué des dégâts sur toute la planète sur une période d’environ 3 mois », explique Abderrahim Chaffai, Directeur général du FSEC. Et d’enchaîner : « Par ailleurs, les couvertures existantes dans tous les régimes de couverture de catastrophes dans le monde sont soit des couvertures de dommages matériels soit des pertes financières après un dommage matériel. Or, avec le Cov-19, nous sommes devant des pertes financières pures et qui sont la conséquence de la fermeture d’un grand nombre d’entreprises et de commerces ».

Le Directeur du FSEC tient par ailleurs à préciser que pour les épidémies qui ont précédé, jamais le confinement n’a été prévu comme risque majeur et les assureurs se sont préparés pour couvrir le décès et les frais médicaux et d’hospitalisation qui pourraient être engendrés par les épidémies.

Mais cela n’empêche pas de dire que l’exclusion de la pandémie des risques couverts par le FSEC est une limite du dispositif actuel. Les pouvoirs publics sont donc appelés à construire une vision stratégique de long terme pour assurer une meilleure gouvernance des risques.

Pour un partenariat public-privé

Dans le futur très proche, faut-il concevoir un produit d’assurance couvrant les cas de catastrophes sanitaires et le calquer sur le modèle du régime du FSEC (volet assurantiel et allocataire) ou juste les rajouter dans les risques couverts par le FSEC ? A cette question A. Chaffai répond : « Comme dit l’adage, tout ce qui mesurable peut être assurable. La première étape et d’abord de comprendre ce nouveau risque pour pouvoir anticiper sa survenance et l’étendue des dommages probables. Et dans un deuxième temps trouver les mécanismes adéquats et possibles pour la couverture ». Actuellement, il n’y a pas de capacité chez les réassureurs internationaux, dans de pareils cas la solution peut venir d’un partenariat public-privé à l’instar de la couverture des risques catastrophiques avec une contrainte supplémentaire liée à la rareté ou l’inexistante de capacités des réassureurs, d’ailleurs c’est la démarche adoptée en France.

Une chose est cependant sûre : cette crise Covid-19 qui s’est muée en crise économique va engendrer la pire récession de l’histoire moderne des pays. Le signal d’alerte est émis par les différentes instances internationales sans exception.

Ceci étant, si l’action des pouvoirs publics au Maroc porte jusque-là principalement sur la gestion des risques de catastrophes naturelles et dans une moindre mesure celle de l’homme (actes terroristes), il est primordial de pousser davantage la réflexion sur d’autres types de risques parce que la probabilité de récurrence est élevée.

S. Es-Siari 12 mai 2020 – EcoActu

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