La Marocaine Vie plane sur un marché euphorique

Spécialisée dans l’assurance-vie, La Marocaine Vie est une particularité sur le marché de l’assurance au Maroc. Vingt ans après son intégration dans le groupe Société Générale, la compagnie a multiplié par 11 son business et peut compter sur un marché de l’assurance-vie en pleine euphorie. Cette branche concentre aujourd’hui 45% des primes totales du marché et croît de plus de 10% par an. L’épargne-retraite mais aussi, la préparation de la succession de la part de classes moyennes aisées du Royaume, font exploser la demande. Taoufik LACHKER, directeur général de La Marocaine Vie décrypte ces transformations.


L’assurance-vie représente désormais 45% des primes émises sur le marché. A quels facteurs imputez-vous la progression fulgurante de cette branche ?

Taoufik LACHKER : La dynamique de l’assurance-vie se justifie sans doute par une sensibilité accrue des citoyens aux besoins de protection de leurs proches à long terme. Tout comme la prévoyance et les contrats santé, l’épargne assurantielle est une réponse apportée à ce besoin, permettant notamment de faire face à un coup dur et de préparer l’avenir. Et si l’épargne assurantielle convainc, c’est parce qu’elle présente de solides arguments, avec un cadre fiscal avantageux et en combinant notamment sécurité, liquidité et rentabilité, un triptyque toujours d’actualité malgré un contexte de baisse tendancielle des taux d’intérêt. Un des instruments de choix en assurance-vie est le contrat multisupport combinant supports en dirhams et en unités de compte. Il donne notamment la possibilité à l’épargnant de basculer, en fonction de l’embellie boursière, d’un support en unités de compte adossées à un Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) vers un support en dirhams (et inversement) sans entraîner de rupture de contrat (et donc sans incidence fiscale), ce qui n’est possible dans aucun autre instrument financier.

Mais l’argument principal en faveur des supports en unités de compte est incontestablement le rendement. Il convient juste d’être prêt à prendre des risques, bien qu’en réalité très mesurés, l’investissement dans les fonds actions et diversifiés s’avère toujours rentable sur le long terme. Pour vous donner un ordre d’idée, à La Marocaine Vie, nos fonds diversifiés ont réalisé sur les cinq dernières années une performance cumulée de 26% et nos fonds actions de 55%, soit une performance moyenne annuelle respectivement de 5 et de 9%.

Le succès de l’assurance-vie tient sans doute également aux sérieux atouts des bancassureurs qui captent deux tiers des parts de marché de l’assurance-vie depuis de nombreuses années. Ils sont notamment dotés d’une force de frappe commerciale grâce à un large réseau de distribution. La richesse des données, la proximité relationnelle et la fluidité des processus grâce à l’interdépendance des systèmes d’information qui les caractérisent permettent de proposer des offres innovantes et mieux ciblées grâce à une meilleure connaissance des clients.

Quel type de produits rencontre le plus d’engouement et quel est le profil des épargnants que vous accompagnez ?

Nous observons que les contrats multisupports sont de plus en plus plébiscités par des clients patrimoniaux en quête de diversification et de surplus de rendement, au point de représenter pour beaucoup d’entre eux une valeur refuge. La transmission du patrimoine aux bénéficiaires désignés en cas de décès qu’ils permettent est également très appréciée par ce segment de clientèle.

L’engouement s’observe également pour la retraite complémentaire (qui représente actuellement 25% de notre production) parmi les dirigeants et les salariés des entreprises. L’argument premier n’est pas tant le taux de rendement que les avantages fiscaux significatifs (dès l’entrée en vigueur du contrat) qu’il présente, mais le fait qu’il s’agit d’un outil permettant de pallier les insuffisances des régimes de retraite de base qui ne peuvent couvrir les besoins des classes moyennes et aisées marocaines. À La Marocaine Vie, nous avons également une offre multisupport retraite différenciante prisée, faisant bénéficier les épargnants de produits combinant les avantages d’une fiscalité retraite complémentaire et un accès au marché financier. Les produits à versements programmés sont eux, très demandés par des jeunes adultes qui souhaitent financer leurs projets et des parents qui veulent préparer l’avenir de leurs enfants en constituant un capital pour financer leurs études supérieures et/ou faciliter leur entrée dans la vie active.


Avez-vous relevé l’impact de l’accumulation de l’épargne par les ménages du fait des restrictions liées à la pandémie du covid-19?

En effet, contrairement au scénario présageant des sorties massives que le marché craignait en début de crise, nous n’avons pas constaté en 2020 de phénomène de rachat massif de contrats et de demandes d’avance mais plutôt une baisse historique étant donné l’amélioration des capacités d’épargne du fait des strictes restrictions liées à la pandémie du covid-19. Cette tendance ne s’est néanmoins pas confirmée en 2021 du fait de la reprise des dépenses à la suite de l’allégement des restrictions. En 2020, l’activité retraite complémentaire avait montré une résilience, le niveau de la collecte étant équivalent à celui de l’année précédente. C’est une véritable performance si l’on considère les conditions opérationnelles exceptionnelles que nous avions mises en place pour recueillir et traiter les demandes, avec en parallèle des dispositions fiscales légèrement moins avantageuses prévues dans la loi de finances 2020.


En quoi la baisse des taux d’intérêt a-t-elle pu impacter vos résultats ? 

La baisse des taux d’intérêt met certes sous pression les marges dégagées par les assureurs (bien que l’impact diffère d’une compagnie à l’autre en fonction de son exposition au marché financier) mais il ne s’agit pas d’une tendance que nous subissons. Nous proposons aux épargnants des alternatives en adoptant une stratégie de diversification. Or, le premier levier de diversification est la promotion des contrats en unités de compte qui renferment des opportunités de rendement bien plus importantes que le fonds en dirhams sécurisé, d’autant plus dans le contexte actuel de baisse des taux de rendement servis par les contrats d’assurance-vie mono-supports.

Parallèlement, nous ajustons notre politique d’investissement en fonction du contexte. Dans un environnement de taux bas, nous avons augmenté nos investissements en immobilier, via un investissement direct et les Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI), nouveaux véhicules d’investissement.


Les épargnants marocains ont souvent le réflexe d’utiliser les placements d’assurance-vie comme un compte à vue. Comment gérez-vous ce phénomène culturel qui donne du fil à retordre à tous les assureurs ?

L’affirmation est de moins en moins exacte, les avantages fiscaux offerts visant- à encourager la constitution d’une épargne à horizon moyen et long terme (idéalement entre 5 et 8 ans). Avec un contrat d’assurance-vie, l’épargnant peut certes disposer de son argent à tout moment moyennant une demande de rachat partiel ou total ou d’avance. Toutefois, cette souplesse est très encadrée par la réglementation marocaine, qui autorise un maximum de quatre rachats partiels qui ne peuvent dépasser 50% du montant de l’épargne et une avance s’élevant tout au plus à 80% du total constitué et qui devra par ailleurs être remboursée dans un délai maximum de 5 ans.


Quelles sont les principales transformations qui touchent aujourd’hui votre métier ? 

Dans un contexte en profonde mutation, nous devons en effet nous adapter en repensant notre modèle afin de répondre aux exigences évolutives du client. Je pense notamment à la transformation digitale faisant évoluer le modèle relationnel, raison pour laquelle La Marocaine Vie entend renforcer son modèle de distribution omnicanal en capitalisant sur la multiplicité des points d’interaction avec les clients, en misant sur l’accélération des investissements sur le digital, l’innovation, l’ouverture des systèmes d’information et l’agilité des processus pour développer des parcours  répondant toujours plus aux nouveaux comportements et usages de ses clients. Face au contexte de taux bas, nous avons la ferme volonté de démocratiser les unités de compte en optimisant l’accessibilité au service du plus grand nombre. Il existe d’autres transformations d’ordre réglementaire qui ont un impact sur le secteur de l’assurance. La mise en place du nouveau cadre prudentiel Solvabilité Basée sur les Risques (SBR) et de la norme IFRS17 promet de bouleverser l’organisation et la philosophie des compagnies d’assurance au Maroc dans les prochaines années, en y insufflant une véritable culture du risque et de transparence financière. La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est aussi devenue un levier incontournable, d’autant plus avec l’avènement de la crise qui a illustré plus que jamais ce qui était attendu de nous en termes de responsabilité.

Elle est aujourd’hui primordiale pour toutes nos parties prenantes, raison pour laquelle l’ensemble de nos priorités s’articulent autour de nos trois engagements en tant qu’assureur, qu’investisseur et qu’employeur responsable.


Où voyez-vous les relais de croissance pour La Marocaine Vie ?

Récemment, nous célébrions notre 20ème anniversaire au sein du groupe Société Générale, l’occasion de faire le point sur notre évolution depuis notre intégration au sein du groupe, marquée par une belle croissance portée essentiellement par la performance de notre modèle de bancassurance intégré, avec un chiffre d’affaires multiplié par 12, un nombre de contrats gérés multiplié par 8 et un encours global multiplié par 11 depuis 2001. Néanmoins, des marges de progression considérables existent. Nous sommes convaincus qu’il y a un potentiel marché non encore exploité d’autant plus face à un taux de pénétration de l’assurance encore très faible au Maroc, de l’ordre de 4%, nettement en deçà des pays européens. En synergie avec Société Générale Maroc, nous allons donc continuer à renforcer notre modèle de bancassurance intégré, tout en poursuivant le renforcement de partenariats avec des acteurs extérieurs au Groupe, nourrissant notamment de fortes ambitions sur le marché des entreprises dont nous entendons développer significativement les parts de marché dans les prochaines années. Avec une offre jusque-là unique sur le marché de couverture santé complète pour les clients professionnels, nous ambitionnons aujourd’hui d’accompagner la récente généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO) pour les indépendants en adaptant nos offres en la matière aux besoins de nos clients professionnels et entreprises et aux évolutions réglementaires.

Nous avons également pour ambition de nous lancer dans l’activité Takaful pour conquérir un nouveau segment de clientèle que nous ne pouvons cibler avec l’assurance conventionnelle. Il y a donc un réel marché à exploiter. Tout en continuant de développer nos engagements d’Investisseur et d’Employeur responsable, nous entendons également déployer à terme une offre de micro assurance pour accompagner la stratégie nationale de l’inclusion financière.

Abashi Shamamba -7 mars, 2022

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